Tu ne réponds pas. Pas tout de suite. Tu réfléchis simplement à ses mots alors que tu hoches du chef pour qu’il passe devant. Tu serres les dents – plus pour la peur que pour la douleur – alors que tu te retrouves plié en deux à essayer de suivre le rythme sans lui lâcher tout le poids dans les bras mais tu dois bien avouer que… tu es impressionné de la force dont il fait preuve. Il te l’a dit et tu n’en doutais pas vraiment, qu’il était fort ; mais à ce point ?

Arrivé en bas, tu demandes un instant. Tu as besoin de te redresser et craquer ton dos, et t’assurer aussi que tu n’as rien bousillé, que tu n’as pas mal, que tout va bien. T’as peut-être un peu forcé et déconné. Mais en même temps, il s’est déjà cogné le frigo tout seul, l’idée qu’il fasse le lave linge aussi te dérangeait.

Mais il faut encore emmener ça jusqu’à la camionnette. Tu souffles profondément. Inspire.

« Prêt ? »

Dès qu’il donne le go, tu prends sur toi pour les deniers mètres. Tu ne peux souffler complètement qu’une fois chargé dans le véhicule. Nouvelle pause. Tu t’assoies dans le coffre, enfin, les jambes dans le vide et sors ton paquet de cigarettes et ton briquet. Ça t’aide à te relaxer un peu. Tu inspires, profondément. Invite Arnold à venir se poser à côté de toi, s’il le veut.

« T’as dit plein de trucs, tout à l’heure, qui résonnent dans ma caboche. Peut-être pas au même niveau. J’ai pas la prétention de dire que je peux te comprendre entièrement – et je veux pas être prétentieux. Mais je comprends, l’anxiété. Les cachets m’aident à supporter ? Ouais, supporter… mais je connais. »

Un silence, un instant. Tu observes le ciel, profite un peu de la brise qui caresse ta peau.

« Je pense qu’on a tous nos « bizareries ». Et que tout le monde est pas encore au courant que l’ouverture d’esprit, c’est pas une fracture du crâne. Ce qui donne des connards qui se montrent méchants. Soit gratuitement. Soit parce qu’ils comprennent pas, ne veulent pas comprendre, ne cherchent pas à comprendre. »

Tu hausses les épaules. Tires sur ta clope.

« Mais on est tous différents les uns des autres. Parfois, on peut y apposer un mot ou une étiquette, sur notre bizarrerie. Des fois, non. Cela peut être génétique, pathologique, ou pas. On peut être né comme ça ou l’être devenu. »

Tu ne sais pas trop où tu veux aller, tu as l’impression de te perdre et d’être maladroit. Tu ris. Te sens idiot.

« Là, tu vois, si je le dis pas à voix haute pour être sûr que tu ne le penses pas, je vais boucler sur le fait que je suis qu’un idiot et que tu dois me prendre pour un con à parler autant sur un sujet que je maîtrise pas et en même temps on est qui pour dire si je le maîtrise ou pas, vue que je partage une pensée sur un sujet ? »

Clope entre les lippes. Tu inspires, ferme les paupières. Soupire.

« Bref. Tout ça pour dire que… bah. Si tu dois te considérer comme « timbré » ou comme « bizarre » ou quoi que ce soit, sache juste que je t’aime bien comme ça. Et que j’aimerai bien apprendre à te connaître un peu plus et devenir bon amis ? »

En attendant, t’as encore des valises et des cartons à aller chercher. Et plus vite vous en êtes débarrassés, plus vite c’est… fini ? C’est peut-être pour ça que tu fais durer, en fait. Pour ne pas qu’il reparte. Pour ne pas être de nouveau seul ? Tu chasses cette pensée de ton esprit.

 

Ce n’est pas parce que toi tu t’exprimes sur le sujet que tu t’attends absolument à ce qu’il en fasse autant. Et… tu souris, quand il te répond. Un peu. Tu finis par t’allonger, à côté de lui, fixant le plafond de la camionnette. À ta façon, t’étais aussi le gars bizarre de tes classes. Tu ne l’as pas toujours beaucoup senti, parce que parfois, tu avais des amis qui t’aidaient à supporter. Et tu les en remercies pour ça, malgré tout. Un sourire étire tes lèvres.

C’est… « amusant ». Ça te soulage de lui parle. De lui en parler. Tu apprécies. Beaucoup. Inspiration. Tu glisses ta cigarette entre tes lèvres. Inspire profondément.

« Ben… là comme ça, que tu me poses la question de but en blanc de la sorte… nan. J’avoue que j’ai rien qui me vient en tête. »

Tu ricanes.

« Mais je pense qu’en moins de quelques heures, je t’en ai déjà montré plus à toi qu’à n’importe qui dans cette ville. »

Tu viens tirer sur ta clope pour la finir, avant de l’écraser contre le plancher du véhicule. Tu te redresses, lentement, en faisant la moue. Ton dos te tire un peu.

« Bon. Je pense que je t’ai assez gavé avec mes palabres. On va chercher le reste ? Je crois que mon dos s’est un peu détendu. Désolé de te ralentir. »

Tu lâches, doucement, reposant les pieds à terre, venant frotter tes vêtements pour les défroisser un peu. Tu attends qu’il en fasse autant pour fermer la camionnette, afin d’éviter tout vol puis te diriges de nouveau vers le bâtiment. Là, rebelotte. L’ascenseur, rentrer dans l’appartement. Tu fixes les deux valises et les cartons.

« On devrait pouvoir en descendre plusieurs, en utilisant l’ascenseur. C’est déjà moins pénible que le réfrigérateur et le lave linges. Je prends une valise, je vais appeler l’ascenseur. »

Tu files fissa pour t’exécuter. Comme ça, ce sera fait. Voilà tout. Et après, il n’y aura plus que le bar ou le restaurant, au choix d’Arnold, puis… eh bien. Il sera libre de rentrer chez lui. Bref. Depuis le couloir, tu hèles ton nouvel… ami.

« C’est bon ! Il est là ! On t’attend ~ ! »

 

Tu le laisses faire les allers retours à contre cœur : tu as peur que l’ascenseur reparte sans vous et que quelqu’un puisse récupérer tes affaires. Pas qu’il y ait vraiment grand-chose de valeur, mais il y a des choses qui comptent pour toi. Même si tu ne les as encore jamais sorties des cartons. Mais ça, c’est un autre sujet. Le fait qu’Arnold ramène tout, petit à petit, pose ce qui doit l’être dans l’ascenseur avant de ne pas y monter et te laisser faire le voyage. Pourtant, tu es certain qu’il aurait pu faire partie du voyage. Après tout, tu n’es pas lourd et même si tu as quelques affaires, rien qui pèse trois tonnes, quoi.

Tant pis. Tu te fais le trajet seul. Mais quand les portes s’ouvrent, tu es surpris de trouver Arnold déjà là. Qui… te sourit. Et… c’est contagieux, parce que tu souris en retour. Tu ne fais pas attention aux « imperfections », tu te dis juste qu’il a sourire unique. Mais au fond… unique, comme lui ! Et tu trouves que ça lui va bien et tu ne l’imaginerai pas sans, maintenant que tu le connais avec.

Sa déclaration te fait marquer un temps. Te fait te gratter la nuque, doucement.

« Moi aussi… »

Tu avoues, finalement. Parce que tu les connais pas, ces gens. T’as un peu peur. Et en même temps… au moins, ça te fera de la compagnie. Tu redoutes plus la solitude. Celle qui se tapit sous ton lit, qui te creuse l’estomac, te noue la gorge. Celle qui pourrait te pousser à faire des conneries que tu ne te pardonnerais pas. Non, avoir des gens avec qui vivre, c’est une certaine assurance que tu ne devrais pas franchir certaines lignes. Du moins, c’est ce dont tu te convaincs, depuis que tu as signé.

Tu aides Arnold à ramener le tout à la camionnette, ouvre le coffre encore, joue vaguement au Tetris pour tout faire rentrer, avant de refermer pour de bon la portière arrière.

« T’inquiète pas. J’ai le permis, je sais conduire. Peut-être un peu rouillé, mais ça m’est revenu pour ramener la camionnette du garage à ici. »

Tu prends place, le laisse en faire de même pendant que tu paramètres ton téléphone pour qu’il te serve de GPS. Tu le mets en silencieux, toutefois, ne supportant pas la voix automatisée de Waze avant de te mettre en route.

« C’est pas bien loin, a priori. En vrai, j’aurais pu le faire à pieds le trajet. Mais avec le lave linge et le réfrigérateur, c’était plus complexe. »

Tu déclares, doucement. Tu mets le contact, lèves les yeux vers le rétroviseur, avant de regarder dans celui de gauche. Clignotant à gauche. Tous les signaux sont au vert, tu sors de ton stationnement et te mets en route.

« Si tu veux mettre de la musique, vas y ! »

Tiens, la musique. Quel bon sujet de conversation.

« D’ailleurs, t’aime quoi comme genre ? »

Bon, tu te doutes qu’il répondra pas classique, mais ça … eh. Toutefois, ça pourrait te donner des idées de trucs à découvrir. Au lieu de tourner sur les mêmes chansons sur lesquels tu as dansé ou rêvé de danser. Celles qui te font mal au coeur, que tu aimes autant que tu les hais...

 

Tu tâches de te concentrer sur la route. Le trafic est assez calme, en vérité, donc ce n’est pas si compliqué. Si bien que tu peux te permettre de tenir la conversation. Et ça te fait même plaisir, d’en apprendre un peu sur lui. Tu l’écoutes, tranquillement, ton regard oscillant entre la route, les rétroviseurs, le GPS et Arnold.

« Je connais pas ce dont tu parles, je plaide coupable. »

Tu susurres, doucement, en souriant.

« Tu voudras bien m’envoyer quelques titres ? Que j’essaie ? »

Peut-être que tu n’es pas totalement prêt, en fait, pour ces genres musicaux.

« Moi ? J’avoue que… »

Tu déglutis, doucement. Mais… Ah. Tant pis. Visiblement, toi qui t’étais décidé à ne pas parler de ton passé, de ce passé. Tu inspires, profondément.

« En vérité… je n’ai jamais pris le temps de découvrir trop d’autres genres musicaux que le classique. Je ne vivais que pour ça jusqu’à… jusqu’à… »

Jusqu’à ce qu’on me brise le dos, Arnold. Toi aussi, tu as des choses que tu n’arrives pas à dire. Tes doigts se resserrent sur le volant. Tu déglutis. Inspire. Expire. Les souvenirs essaient de s’imposer à toi. Tu tentes de les repousser. Ce n’est vraiment pas le moment. Tu viens te passer une main sur le visage. Essaie de te contenir.

« Pardon. »

C’est plus pour toi, que tu t’excuses, en vérité. Une nouvelle inspiration.

« Je vais ouvrir un petit peu ma vitre, excuse-moi. »

Tu as besoin d’air. Alors, tu t’exécutes. Tu ne veux pas que ça dure trop longtemps. Mais le temps de te calmer, le temps que l’air fasse effet, tu ne parles pas. Tu ne dis rien. Pas tout de suite.

Il te faut un petit peu de temps. Juste un peu. Mais vous voilà pratiquement arrivés, au final. Et tu n’as pas eu le temps de répondre.

« Ah, nous y voilà. »

Tu refermes la vitre. Cherche un endroit où te garer. Finalement, te voilà à fuir un peu la conversation que tu as engagé. Bravo.

 

Tu aimes bien, à vrai dire, le fait qu’Arnold n’insiste sur rien. Ca reste léger. Tu peux avoir ton temps. Et en même temps, tu t’en veux un peu de parler autant, tout le temps. Surtout sur des sujets qui peuvent être lourds ? Tu ne sais pas. Tu n’est pas certain. Tu soupires. Tu sors du véhicule, une fois garé. En profite pour te sortir une cigarette. Tu n’es pas censé fumer autant, normalement. Tu ne fumes pas autant, d’ordinaire. Et pourtant… Tu inspires, longuement.

La voix d’Arnold te ramène à l’instant présent. À la réalité. Tu viens te passer ta main libre dans tes cheveux, lentement. Puis sur le visage. Lève les yeux au ciel. La vérité, c’est que tu stresses un peu, maintenant.

« Tu… veux bien le faire ? »

Tu contres questionnes. Ton être entier crève d’envie de juste lui crier OUI ! Mais tu ne veux pas le mettre mal à l’aise. Tu ne veux pas le forcer. Tu ne veux pas qu’il se sente forcé. Tu baisses la tête. Un peu fragile, en cet instant.

« Oui, j’aimerais bien que tu m’accompagnes. Mais… je ne veux pas que tu le fasses si tu ne te sens pas. »

Une pause. Un instant.

« Je suis même pas sûr qu’il y ait quelqu’un, déjà. Je sais pas s’ils ont déjà emménagé. C’est une colloc’ toute neuve, de ce que j’ai compris. »

Tu viens te ronger l’ongle du pouce de ta main libre, l’autre tenant toujours ta cigarette qui se consume, lentement mais sûrement. Un peu comme toi, quoi.

Mais il faut te ressaisir. Nouvelle inspiration.

« Bon. Bref. Je vais arrêter de faire le chaton effrayé ; j’ai encore un réfrigérateur, un lave-linge, deux valises et des cartons à monter. »

Tu viens te claquer les joues, pour te redonner de la force, du courage, de la motivation. Termine ta cigarette. Bon, bien sûr, tu peux pas tout monter seul, mais… tu lèves un regard vers Arnold. Lui offre un sourire.

« Et puis, j'ai encore un verre et/ou un restau à t'offrir après tout ça. »

 

« Si je propose, c’est que j’ai pas de souci. » Bah. S’il le dit. Tu hoches du chef, alors. D’accord. Finis ta cigarette. La jette où tu peux – une poubelle, pas bien loin. Ouvres le coffre de la camionnette. Attrape un carton, également. Puis, te diriges vers l’entrée du bâtiment. Sors ton téléphone de ta main de libre pour récupérer l’email avec les informations. Le digicode, l’étage, la porte. Tu as bien les clés ? Oui. Si. Tu les avais mis sur ton trousseau. Tu bloques la porte d’entrée avec ton carton, vas appeler l’ascenseur. Il est plus grand que celui de l’autre immeuble.

« Ça devrait passer ! »

Tu lâches à Arnold. Tu vas lui filer un coup de main, pour ramener quelques cartons, même si monsieur fait le gros du gros à lui tout seul – putain, vraiment, faudra que tu lui demandes comment il fait, quel entrainement il suit… faudrait que tu t’y remettes, en fait. Peut-être pas très intensément, mais… et ton dos ? Peur de te blesser. Bref. Quelques cartons, deux valises, une machine à laver et un réfrigérateur.

Dans l’ascenseur, tes doigts s’agitent contre ta cuisse après avoir appuyé sur le bouton. La question d’Arnold te tire de tes pensées. Prêt ?

« Non. »

Tu avoues, un sourire aux lèvres. Inquiet, un peu.

Au bon étage, tu regardes à gauche, à droite. Tu cherches la bonne porte, te diriges vers. Tu frappes, par politesse, pour t’annoncer, avant d’insérer la clé dans la serrure. Et quand tu ouvres, il n’y a … personne.

« Bon… »

Tant pis. Tu ouvres la porte en grand, la bloque comme tu peux, avant d’aller aider ton ami à bouger les affaires de l’ascenseur à l’intérieur. Mais après, faut savoir où les mettre précisément ? Alors, tu demandes à Arnold de t’attendre, un instant, le temps que tu fasses le tour du propriétaire. Aucune chambre ne semble habitée. Aucune ? Si. Il y a une… ? Ok. Tu en déduis que tu peux choisir, alors ? Au pire, tu bougeras tout plus tard, si on te fait chier. Ou pas, on verra. Bref, tu décides de ce qui sera ta pièce, avant de l’indiquer à Arnold pour ramener le tout dedans.

Redescendre, après avoir fermé la porte. Restent le frigo et le lave linge.

« T’as pas trop mal partout, toi… ? Ça va ? »

Tu commences à t’inquiéter, un peu, quand même…

 

On aurait pu dire un chat, visitant son nouveau domaine. Tu as regardé un peu partout, pour commencer. Tu feras les recoins plus tard. Obligé de te tenir. Parce qu’il y a Arnold. Que tu veux l’aider à finir de tout monter.

On ne va pas se mentir, toi aussi, tu es soulagé qu’il n’y ait personne. Tu préfères pouvoir prendre tes marques au calme, sans avoir à sociabiliser. Tu inspires, longuement. Viens remettre tes mèches en place. Arnold répond. Tu souris, doucement.

« Ça va… j’ai quand même hâte de pouvoir me poser, un peu. Mais ça va. »

Tu réponds, avant de t’étirer pour faire craquer ledit dos.

« Je suis admiratif. Enfin. J’ai été… »

Aller, Elain. Tu peux le dire. Tu inspires. Déglutis. Clos les yeux, un court instant.

« … j’ai été sportif aussi. Mais pas le même genre. »

Clairement pas le même genre. Et puis, tu as perdu en muscle, depuis. C’est ça, quand on ne pratique plus. Tu soupires, te passes une main sur le visage. Tout va bien. C’est fini. Personne ne va te faire de mal.

« … par contre. C’est quoi de la… callé… cali… caquoi ? Ca-… lli-… sthénie ? »

Au final, tout est remonté. Grâce à l’ascenseur qui est plus grand, grâce à Arnold qui est plus fort. Grâce à… c’est surtout grâce à Arnold, en fait. Et tu le remercies, infiniment. Tu l’invites à se poser dans le salon que tu découvres en détail. Et le canapé te plaît déjà.

« Tu veux boire quelque chose ? Un verre d’eau, pour te remettre de tes efforts, te réhydrater et éviter les courbatures demain ? »

Tu essaies de ne pas penser, un peu, au fait que, bientôt, tes colocs devraient arriver. Aujourd’hui ? Demain ? Après demain ? Bientôt, dans tous les cas. Vite. Très vite. Trop vite.

 

Tu écoutes ses explications, en essayant de visualiser et… ça te plairait bien, tu crois. Tu te fais un peu songeur, réfléchis. Essaie de visualiser. Avant d’aller chercher de l’eau, quand il te le demande. Tu cherches dans les placards, s’il y a des verres. Tu n’en trouves pas. Alors, tu vas fouiller dans tes cartons ; tu es sûr d’en avoir, ta mère t’a forcé à en emporter. Des assiettes et des couverts, aussi. Au cas où, tout ça. Tu reviens, finalement, victorieux. Et tu lui tends un des deux verres que tu as rempli au robinet.

« Tiens. »

Tu t’assoies, enfin. Profite.

« Tu penses que… je pourrais t’accompagner pendant un de tes work-out ? Je suis curieux. Ça a l’air sympa. »

Sûrement trop physique pour toi, mais quand même. Tu voudrais bien voir. Tu vides ton verre, d’une traite, avant de poser l’objet sur la table basse présente puis t’enfoncer un peu plus dans le canapé, en soupirant. La question d’Arnold te touche.

« Ça va, t’inquiète pas. Vraiment. »

Les anti-douleurs font effet. Tu devras juste essayer de faire quelques étirements avant de te coucher. Si tu y penses. Si t’es en état. Baah.

« On a plus grand-chose à faire, je crois ? Une fois fini, tu as une préférence sur quoi faire ? Boire ? Manger ? Les deux ? Une préférence sur le type de lieu ? »

Une pause. Tu fronces les sourcils.

« Je vais peut-être pas t’inviter à aller boire un coup à mon travail… »

Tu lâches, doucement. Ceci dit, faudra pas que tu traines tôt. Tu embauches tard, mais quand même. Et pas sûr qu’on apprécie te voir arriver au travail déjà bien entamé. Ouais. Non. Pas le travail. On te voit déjà avec suffisamment de gens – mais a priori, ils connaissent déjà le patron, eux. Bon. Bref. Arrête de penser à ça.

 

Tu penches la tête sur le côté à sa réponse, avant de sourire.

« Tu me diras où et quand tu y vas en général, si je peux, je te rejoindrais. »

Tu réponds, amusé. Toutefois, si c’est quelque chose qui se fait extrêmement tôt… c’est sûr que t’es pas certain d’être en état pour l’accompagner. Baah. Tu verras bien. Avec un peu de chance, il y a va pas à l’aube. En revanche, quand il parle de TikTok… tu dégaines ton téléphone, rapidement, ouvre l’application.

« Ah ouais ? C’est quoi ton pseudo ? Je vais te lâcher un follow ! »

Tu décrètes, directement. Oubliant carrément que ton compte n’est pas vierge, non plus. Mais ça, ton cerveau veut l’oublier. Toi aussi, en fait. Bref.

Il préfère un verre. Dans un endroit calme. Tu creuses ta cervelle, mais tu connais pas encore beaucoup de lieux, ici, pour le moment.

« Je confirme que mon boulot, c’est mort pour toi. Ou alors, faudrait que je t’offre un casque anti-bruit. Mais même ça je suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Pardon. La vanne est nulle, en fait. Bref. Bah… »

Une fois que t’as fini de faire ce que tu dois faire sur TikTok, tu cherches une adresse sur internet. Il ressort plusieurs propositions, en soi. Tu essaies d’en sauvegarder deux ou trois, tu essaieras d’approfondir dans les minutes qui suivent. Avant de reporter ton attention sur lui. Ah. Prêt ? Non. Mais faut en finir, n’est-ce pas ? Alors, tu te lèves, enfonces ton téléphone et tes mains dans tes poches.

« Aller. Avant que je ne fusionne avec ce canapé que j’aime déjà pas mal. »

En route, mauvaise troupe ! À contre cœur, tu te diriges vers l’ascenseur, après avoir récupéré les clés de l’appart, attendu qu’Arnold sorte et fermé la porte. Retour au rez-de-chaussée, retour à la camionnette, retour au porté de trucs lourds. Ca va. Il ne reste plus que le réfrigérateur et le lave-linge. Courage.

« Faudra que je pense à ramener la camionnette, aussi, après tout ça… je sais plus jusque quand je l’ai louée… aaaah mémoire de merde ! »

Tu marmonnes, en venant de tiquer là-dessus.

Bref. Tu aides Arnold à porter – même si tu as quand même bien l’impression qu’il essaie de prendre plus sur lui pour t’épargner au maximum, ce qui est adorable mais un peu vexant aussi.

 

Bien sûr, que tu l’as fait répéter. Une fois. Deux fois. Tu n’as posé pour la troisième, trop peur de le braquer. Tu essaies de rechercher avec ce que tu as compris, jusqu’à ce que tes neurones se connectent et…

« … euh … tu sais, si ça te gêne que te suive sur TikTok, dis le moi. J’te suivrais pas. »

Ton but, c’est pas de le gêner. Mais comme il en a fait mention, tu pensais que… mais visiblement, c’est…

Ni oui, ni non, pour le moment.

Il te fait remarquer, aussi, qu’il a déjà un casque. Vraiment, tu te traites de con intérieurement. Tu te grattes la nuque, nerveusement.

« ahah. Pardon. Je… j’avais pas vu… »

Pas fait gaffe. Trop de trucs en tête. Trop d’informations partout et ça, t’a pas calqué. Peut-être parce que y a beaucoup d’autres choses qui attirent ton attention chez Arnold. Comme son comportement. Son respect. Sa gentillesse. Sa bienveillance.

Tout ça, c’est ton point de vue.

En bas, il te parle d’une alarme. Ah. Oui. Une de plus, oui. Elles rythment un peu ton quotidien, les alarmes. Enfin, rythmaient. Parce que actuellement, on peut pas vraiment dire que t’en aies un, de rythme. Tant que t’es debout pour aller travailler, c’est amplement suffisant. La faute à…

Un premier aller-retour est fait.

De nouveau en bas, tu laisses Arnold sauter dans la camionnette. Tu vas vraiment pour aider, mais il prend la plus grosse partie. On dirait sincèrement que tu ne portes rien. Que tu ne sers à rien. Peut-être que, finalement, tu … es un peu impressionné, quand même. Peut-être même un petit poil jaloux. Mais ça, tu essaies de l’ignorer. L’enfouir au fond de toi. Profondément.

Retour dans l’ascenseur.

« Sinon, on peut… prendre la camionnette pour aller boire un verre, une fois ça fait, je te dépose chez toi – ou au plus proche, comme tu préfères – puis je vais rendre la camionnette et après… après je vais bosser. »

Ou au pire, tu la rendras demain. C’est faisable ? Tu retrouves ton téléphone, viens chercher la confirmation de location. Oh. Ouf.

« Au pire, je l’ai jusqu’à après-demain. J’avais visé large, au cas ou personne ne soit dispo pour m’aider… »

De nouveau à l’étage, on déplace le lave-linge. Tu cherches où le mettre, trouve aisément. Tu te notes, toutefois, qu’il va falloir acheter des cales pour les mettre en dessous, histoire d’atténuer le bruit pour les voisins. Mais ça, tu verras ça plus tard. Comme pour le branchement de tout ce bordel. Tu verras ça plus tard. Pour l’instant, tu te contentes d’aller à ta chambre pour trouver quelques affaires, passer un coup de déo, te changer pour être présentable un peu et prendre ton chargeur, le foutre dans ton sac pour revenir vers Arnold.

« En route ? »

Tu vas miser sur un petit bar tranquille, d’après ce qui est indiqué sur Google. Noté comme « ennuyeux » d’après certains, car il n’y a pratiquement pas de son d’ambiance, si ce n’est une musique vraiment basse et apparemment les serveurs sont pas du genre à taper la discussion. Choix parfait donc pour boire son verre tranquillement, non ?