Les questions s'étirent et Ansel doit patienter pour obtenir leurs réponses.

Il n'est pas de ceux qui jouent avec les menaces et les violences. Plus maintenant. Cela ne sied pas à son rang, et ce ne sont guère des manières pour tisser une relation de confiance. Bien sûr, sa curiosité naturelle lui brûle les lèvres. La même qui presque mille ans plus tôt, s'était dit : et pourquoi pas ?

Pourquoi pas devenir un monstre ?

Et maintenant, le voilà qui embrasse la modernité, tout ce que l'éternité peut lui offrir sur un plateau d'argent. Il y a les notes sucrées de l'odeur de Charlie, la chaleur lointaine de la lune éclairant le sol. La lumière plonge la pièce dans l'obscurité et là, l'enfant terrible des Patricius peut respirer.

Charlie lui en dira plus une autre fois. Ansel a tout son temps, même trop de temps. La vie du garçon se terminera dans un battement de cils, et son souvenir s'amenuisera avec les années après lui. Pourtant, Ansel savoure ce moment comme tous les autres. C'est éphémère, ainsi va la vie.

Le bruissement du vêtement qu'on retire, les questions étirées dans le silence. Le libre arbitre, la peur, la volonté, la force ; les humains sont moins fragiles qu'ils ne le croient. Charlie n'est point si vulnérable, il faut du caractère pour survivre face aux créatures de la nuit.

Face à Regeneratio.

Au diable les inquiétudes, allons ! Le lit remue sous le poids de la jeune personne, et Ansel soupire sous le masque. Il se rapproche, discrètement, écoutant le souffle de Charlie épaissir le silence, la faim de la Bête qui gronde. Il glisse deux doigts sur son masque pour l'abaisser, il se défait de ses lunettes et les accroche au col de sa chemise. Il se décale pour se rapprocher du petit, une main posée derrière son dos et qui s'enfonce dans le matelas. Et l'autre, qui se rapproche, effleure la peau.

Ansel aime prendre son temps, apprécier la dégustation pour ce qu'elle est.

« Ne vous inquiétez pas, sa voix vibre sur l'épiderme, pareil à une corde de contrebasse qu'on tire et qu'on laisse retomber, s'exprimer dans la poitrine en écho. Je resterai doux. »

Une promesse lancée à la Bête — qu'elle se tienne loin et tranquille.

L'index qui se pose dans le cou, parcourt la peau, s'arrête sur la veine. Et se glisse sous la mâchoire de Charlie, lui relève la tête. La respiration d'Ansel qui bruisse, le parfum de sa chair est humé. Et sa poigne, si elle est légère, démontre que s'il le voulait, il pourrait lui écraser les os. Malgré les gants, malgré sa petite taille, malgré ses manières de noble bien éduqué.

Sa main épouse parfaitement son cou, ses doigts s'ancrent dans la mâchoire. Et alors le prédateur se penche.

« Je vous conseille de prendre une grande inspiration. »

Et Ansel enfonce ses crocs.