Arnold coule un regard sur Lee, presque amusé de le voir douter de sa force. En vérité, il n'a pas besoin de jouer à ce cirque. C'est un fait. Même avant Mens, il avait une excellente forme physique. Et maintenant, sa force est surnaturelle. Alors en réponse, il tend son petit doigt au jeune homme, et il patiente.

Il reste figé dans cette position un peu saugrenue, lui lançant un défi muet sans penser à le clarifier. Son œil fixe les expressions de son ami, tandis que celui-ci l'aide à y voir plus clair concernant sa relation. Le comble pour un borgne.

Si bien que l'attitude d'Elain à son égard lui semble plus étrange encore ; Arnold ne prétend jamais qu'il y a une alchimie entre les autres et lui. Les relations sous la couette ne sont pas le max de fun pour lui. C'est souvent un passage obligé, même s'il peut apprécier. La connaissance de l'autre, les mimiques, les regards.

Mais ça ne va pas plus loin.

Alors quoi ? Il se racle la gorge. Puis il hausse les épaules.

« C'est parce que je suis un sportif con, ça marche bien sur Tinder. »

Le sourire est blasé, un peu décalé, les yeux écarquillés, avant qu'il ne retombe dans son apathie habituelle. Arnold se rassoit en tailleur, il roule des épaules, puis son regard se perd un peu. Il avoue au bout d'un petit moment de silence :

« Il s'appelle Elain. »

Arnold gratte une plaque d'eczéma sur le dos de sa main, il en décolle délicatement un minuscule bout de peau, avant de le lâcher au sol. Il n'aime pas forcément répondre à toutes les questions.

« J'en sais rien, et on n'a pas établi de règles. Je lui ai juste dit que je risquais de crever à tout moment hahahahaha. Mens, son travail Mens. La fatalité. Je ne lui ai pas dit ça comme ça, hein, je ne suis pas aussi rustre. Il pose son coude contre son genou, et appuie son visage dans sa main. Mais disons que c'est une réalité, et je ne peux pas être forcément en couple. Donc bon, pour l'instant, c'est bien comme ça. Tu crois que je dois lui racheter un sweat ? Je n'aime pas prêter mes affaires. »

Ah. Le plus important pour Arnold, c'est ce bout de tissu. Son confort, un vêtement qu'il peut supporter, comme les joggings. Grâce à cela, il fait plus jeune ; on ne s'attend pas qu'un soldat formé à tuer des buveurs de sang débarque dans des salons de thé en jogging et sweat pour boire un coup avec l'ennemi.




.

Un ex du même nom.

Arnold fronce les sourcils, puis il écoute. Son regard voilé par une couche d'indifférence, là par réflexe, mais qui n'exprime pas vraiment sa surprise. T'as un ex du même nom ? Il ne croit pas que les Elain au masculin ça court les rues. Puis il hausse les épaules.

« Ah ouais ? Blond ? Assez grand ? »

On ne sait jamais.

Il rangera l'information dans un coin de sa tête, peut-être s'en amusera-t-il à un autre moment. Mais son esprit sera occulté par autres choses ; toutes les pensées qui fourmillent, grattent l'arrière de son crâne, s'épanouissent dans les angoisses existentielles. Tu essayes de le rassurer, lui montrer qu'une autre voie est possible. Mais Arnold a clairement la flemme de s'engager, alors que dans deux ans, si tout va bien, il ne sera plus ici.

« Nah. C'est un genre de charge mentale, tu vois ? Il n'y a pas de tristesse dans sa voix, ni dans sa poitrine. Une ex m'a quitté parce que je voulais rejoindre les forces spéciales. Ce n'est pas tout le monde qui peut supporter ça. Je n'ai pas envie de débattre de ma vie avec quelqu'un, parce qu'iel ne saura pas supporter mes absences et les peurs. Je ne dis pas que c'est mauvais, ou que c'est être faible, mais c'est une réalité. Un jour, tu m'enverras un SMS, et je n'y répondrai pas. Parce que je serais mort. »

Le sourire arrive, là pour rassurer, là pour souligner l'ironie de son existence.

« Et puis, la vie de couple, c'est usant. Je ne cherche pas forcément à être amoureux. Les bizarreries qui continuent, observer les émois de ses ami·es à l'adolescence. Les papillons dans le ventre qu'on croit nommer passion et amour, et qui n'étaient en réalité qu'une forme de stress. Et toi ? Tu as quelqu'un dans le collimateur en ce moment ? »

Poser des questions aux autres, afin de témoigner de son intérêt.

Arnold note le conseil sur le sweat, ça lui rappelle un ami qui avait fait ça pour son chien, avec une peluche marquée de son odeur. Ce n'est pas chouette pour Elain de le comparer à un animal, mais c'est ce qu'il fera (dormir avec le sweat).

Arnold pose les coudes sur ses genoux, le visage dans la main, ses yeux s'en retournent sur toi. Profiter de ces brefs moment de calme, ce n'est pas trop mal.


.