Comme Icare ne mène plus le bal
Je ne suivrai pas les étoiles

C’est toujours drapé des cieux, rayonnant de sa sacro sainte bénédiction qu’Aster inflige sa sanction. D’une lame méticuleusement maniée (c’est la sienne après tout), il n’y a jamais de violence inutile s’il pouvait achever leur misère rapidement.

Il faut s’y faire au bout d’un moment aux effluves de sang qui ne sont ni chaudes, ni réconfortantes. Elles sont gelées, froides et dépourvues de ce qui lui rappellerait la moindre humanité. Aster n’est pas un meurtrier il s’en convaincra; leur existence est hérétique, leur dernier souffle était froid : leur mort fût prononcée le jour où ils avaient abandonné leur vulgaire humanité. (Aster n’est cependant pas si différent au final, le corps sanctifié pour une divinité suprême.) Sa lame se retire du corps mais n’en tire aucune satisfaction. L’horreur marquée sur chaque vesperis dont il clamait l’existence ne s’oubliait jamais, au fil du temps il avait appris à s’en délivrer de la lourdeur de leurs larmes de sang : la fin de tout être arrivait bien un jour où l’autre; et la leur était liée à son fil rouge, à son fil d’ariane qui le guidait dans sa justice rêvée.

Le sang égaré sur sa lippe brûle le fond de son palais lorsqu’il l’avale par inadvertance. Aster ne le réalise pas mais il bouscule alors contre un visage familier. “Oh.” Il n'a pas le temps de revêtir son insouciance que l’affre de son reflet barbare s’évade sur ses traits, il est décontenancé. “Je pensais que l’opéra était fermé.” Le travail est minutieux, ses vêtements sont propres avec le col légèrement froissé, il frotte nerveusement son menton craignant que du sang s’y était égaré.

“Ah c’est vous !” Les traits s'enlaidissent d’une fausse sincérité, sa main se balade sur son épaule qu’il accueille d’une tape amicale. “non non rien de bien grave.” Il l'entraîne dans le sens inverse, cherchant à gagner les gradins plutôt que les coulisses. “Vous tombez à pic je n’ai jamais eu le temps de vous remercier pour l’autre fois !”

Comme Icare ne mène plus le bal
Je ne suivrai pas les étoiles

Les prétentions sont des choses qui le fatigue, et sourire et faire semblant d'être importé d'avoir été vu est bien désagréable. Le rictus de l'assassin est bien fragile, il le cache derrière un grand enthousiasme et une familiarité excessive.  Oh, là-bas vous dites? Mais il n'y a personne là-bas j'en reviens justement !  Ses yeux décorées par de profondes cernes ne sont éveillés par la moindre inquiétude. à vrai dire l'idée de l'avoir sauvé ne lui inspire ni satisfaction ni réconfort. il ne fallait pas être stupide et accepter ce genre d'invitations. Il sont bien étranges les artistes et leurs déboires nocturnes. Pas vrai ? Il imite l'intonation de son ami d'infortune et se contente de renfermer l'emprise sur son épaule, il ignore sa suggestion, gagné par un sentiment de honte bien dérangeant.

Ah ce n'est pas que... . Par soucis d'égo, ou d'idée d'être vaincu, il ne peut s'empêcher de se défendre alors qu'il n'y avait eu aucune accusation. Le seul doute qui existait c'était celui en son for intérieur.

S'il n'y avait aucune honte à n'avoir connu l'amour ou la chair, c'était cependant un terrible regret pour Aster; plus le temps passait et plus il en était persuadé : qu'il mourrait seul et sans être aimé.

Un instant il s'était laissé convaincre par des collègues de les suivre dans un club réputé. Mais il ne fût accueilli que par les désillusions des artifices, par les maux et les mots doux, les mensonges et les prétentions; ce n'était pas de tout ceci dont il avait un jour rêvé. Ce dont il voulait ce n'était ni la chair ni la chaleur passagère. Il voulait juste quelqu'un qui lui promettrait de déposer des fleurs sur sa tombe.

je manque bien cruellement de temps,  allons y immédiatement, je vais vous offrir un verre pour le dérangement. Il ne le laissera pas tourner les talons, avec le même sourire mièvre, il impose la cadence.

Comme Icare ne mène plus le bal
Je ne suivrai pas les étoiles

L'intonation de son invité éveille un frisson dérangeant. Il devait le retenir de retourner vers la scène, mais le jeu à jouer pour garder son intérêt était dangereux. Je suis courtois avec le moindre de mes invités. et j'apprécierai mieux vous connaître. Aster rit, mais le rire est artificiel, son inexpérience le rendait médiocre à essayer de captiver son attention, mais il ne ploie pas à la gêne, il n'a pas le choix. Il est insistant.

Désespéré de gagner sa confiance il ne connait cependant guère la marche à suivre. Ah s'il vous faut du champagne Il ouvre une première porte vers l'extérieur. je connais un bon endroit. Il n'en connait aucun en réalité, seulement les prétendues adresses de ses collègues ou les rumeurs des établissements cotés du coin.

La porte de sortie est devant ses yeux, il s'empresse d'en saisir la poignée, l'ouvre pour le laisser passer. Sa main est toujours présente, désormais glissée à son dos pour l'inviter à mettre un premier pas dehors.

Il y a toujours eu une forme d'inconfort dans les voluptés des courbes qu'on ne trouve qu'à travers les plaisirs de la chair. Aster est avide, mais foncièrement peureux de s'y retrouvé piqué voir pire encore rendu vulnérable.

Qui avait-il seulement de beau dans la dépendance à autrui ? Aimer, aimer était beau, mais est-ce que l'amour était éternel ou ne vivait qu'à travers un lien éphémère ? Celui qui aimait de trop finissait nécessairement vaincu et conquis par l'autre, faible et famélique en son absence.

Y avait-il seulement quelque chose de charmant dans l'idée de s'imaginer pouvoir dépérir à cause d'un autre.  Il en était fier certainement; ou cachait sous cette rayonnante arrogance un terrible regret : celui de partir de cette vie sans avoir connu l'épanchement des sentiments.

Vous voudriez que je vous drague Ophrys ? Sourcil levé et l'ombre d'un sourire narquois, la question est rhétorique et le jeu médiocre; il n'y avait pas que le teint rosée de ses joues qui trahissaient derrière toute cette mascarade son embarras et son inconfort.

Comme Icare ne mène plus le bal
Je ne suivrai pas les étoiles

Aster est loin malgré les apparences d'être stupide, il lui fallut du temps mais désormais assis sur le confort de la soie de bonne qualité il commençait à se douter du genre de comédie à laquelle il participait et quel genre de rôle il jouait. Il n'appréciait pas d'être mené par le bout du nez mais semblait se trouver dans une impasse. Il joue le jeu. ils trouveront sans doute.... L'index s'appose sur sa coupe de champagne et il trace du bout les rebords du verre. Il marque une pause et change d'intonation.

aimeriez vous entendre "quelque chose de terrible?" Un rire vole en éclat, puis un plus léger ricanement tandis qu'il décore son visage d'une insolence plus familière à ses traits. mais il n'y aura plus aucune preuve.

il exagère les contours de sa narration ni de victimes. Son œil se tressaute et en trahi sa nervosité en voyant son portable sortir de sa poche. Il n'arrive pas à distinguer son écran. plus rien sauf vous qui m'avez vu ce soir.

Son ton est désormais mécanique, le doute est instigué, il mène une bataille contre le temps.  évidemment c'est seulement si j'avais commis quelque chose. Si la police vient, elle ne trouvera rien, sauf peut-être l'objet que vous aviez perdu avec un peu de chance. Le voilà dans des circonstances plus familière, le rose de ses joues s'était dilué dans les pigments de son arrogance.