Bip. Bip.
6:00. Son réveil sonne. Saoirse éteint l'alarme et suit sa routine habituelle. Un yaourt, une douche rapide, elle enfile les vêtements soigneusement repassés et préparés la veille, puis elle revoit son agenda pour la journée. Elle a trois calendriers différents : un pour le travail, un personnel, et un pour Soren. Elle commence par ce dernier, et lui renvoie un rappel tous les matins. "Passez acheter des pâtes", "RDV chez le vétérinaire", "Vider les poubelles". Des noms de codes pour parler de leurs vraies missions, trop paranoïdes pour rédiger la vérité quelque part. Pour son travail, elle balaye les emails qu'elle aurait reçu entre hier soir et ce matin, et utilise des codes couleurs par ordre de priorité. Son agenda personnel comporte surtout les dates des rendez-vous médicaux de son père.

7:30. Il est tôt, mais Saoirse passe à l'hôpital de Regeneratio pour voir sa mère, endormie dans sa chambre. Il y a ce sentiment de vide et de détresse chaque fois qu'elle passe le pas de sa porte. Cela faisait déjà deux semaines que sa mère montrait des signes de fatigue intense. Aujourd'hui, elle n'arrivait même plus à être là quand sa mère était réveillée. Sur la table de chevet, elle saisit le téléphone de sa mère, où son père, leur docteur et elle-même utilisent pour communiquer. La voix de sa mère sonne fatiguée, elle dit qu'elle ne veut plus que son père et Saoirse viennent à l'hôpital. Elle ne veut pas qu'ils voient l'étreinte prendre son dernier souffle. Elle renouvelle ses adieux, comme les trois derniers messages. Saoirse sait que la fierté de sa mère n'avait d'égal que son entêtement. Que derrière les mots durs, elle voulait leur épargner un spectacle gore par amour. Elle embrasse son front et lui dit qu'elle l'aime avant de repartir.

9:00. Elle arrive aux bureau des affaires nationales. Bien qu'elle se soit faite pistonnée pour avoir un stage ici et obtenir un poste après avoir fini ses études, elle s'applique réellement à la tâche. Son poste lui permet d'avoir des yeux et des oreilles sur ce qu'il se passe sur le plan national. Son influence est moindre pour le moment, puisqu'elle est plutôt dans un rôle de coordination pour des événements et des communications publiques, mais elle ne désespère pas de monter en grade pour être impliquée sur des sujets plus grands.

Bip. Bip. Bip.

12:00. Saoirse regarde sa montre et éteint son ordinateur avant d'attraper son sac. La bibliothèque n'est pas très loin, elle passe au restaurant récupérer sa pré-commande de la veille pour deux repas. Elle envoie un SMS à Soren pour lui dire qu'elle est en chemin. Elle n'a jamais beaucoup de temps pour déjeuner, mais elle insiste pour vérifier que Soren ne manque de rien. Ils en profitent pour discuter. Elle ne lui dit pas, mais il sait qu'elle pense à sa mère. A son père. Elle avait toujours su qu'ils ne vivraient pas très longtemps, mais la fin n'avait jamais été aussi proche pour les deux. Mais ce n'est pas à Soren de s'inquiéter.

13:00. Retour au bureau. Les meetings s'enchaînent. Un ambassadeur de Chine est de passage, elle l'entend vanter les mérites d'une marque de thé particulière. Elle note mentalement de le faire essayer à Maria et Soren.

Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip.

15:49. Un appel d'Andrea. Sa mère est décédée il y a quelques minutes.

22:14. Saoirse raccompagne son père en voiture. Tout avait déjà été organisé à l'avance pour les funérailles de sa mère, il n'y avait plus qu'à envoyer les invitations pour ceux qui voudraient lui rendre hommage. Son père ne dit rien, la fatigue le prend aussi. Avant d'aller dormir, il la serre dans ses bras et s'isole dans sa chambre.

22:18. Saoirse écoute en boucle les messages vocaux de sa mère. Tantôt les histoires de ses combats, tantôt des mots de sagesse qu'elle voulait lui laisser. Et parfois, elle laissait entrevoir ses angoisses. La peur de ne pas avoir fait assez. Elle écoute jusqu'à ce que le téléphone n'ait plus de batteries.

6:00. Son réveil sonne. Saoirse éteint l'alarme et suit sa routine habituelle.