La pluie ne cesse de marteler les vitres encore exposées, me rappelant à chaque gouttes que j'aurais dût prendre plus de planches de bois pour les recouvrir. Tout seul dans le hall d'entrée, je me focalise la tâche ardue de poser des seaux là où les gouttes semblent tomber. La bâtiment est une ruine mais maintenant que c'est MA ruine, j'aimerai autant éviter de laisser l'eau s'infiltrer partout. Déjà présente dans les étages.. Autant essayer de garder le rez-de-chaussée au plus sec.
Soupirant un coup, je me laisse à regarder ce qui m'entoure afin d'apprécier le peau que j'ai déjà. Un toit certes troué mais cela reste un toit. L'hôtel m'a coûté une bouchée de pain pour ainsi dire et au vu de son état, c'était presque déjà trop cher. Armé de deux étages constitués d'un peu moins d'une dizaine de chambre chacun, celui ci est au beau milieu d'un quartier lui même délabré. Principalement habité par des squatteurs, toxicomanes et quelques hipsters cherchant à être les premiers dans un quartier au futur prometteur.. Je pense qu'ils ont dût vite être déçu en comprenant que les promesses du quartier ne résident actuellement qu'en l'apparition régulière de nightclub clandestins faisant vibrer le sol.

Mais c'est aussi pour ça que j'ai choisis cet endroit. Eloigné des regards mais suffisamment proche pour faciliter l'accès. Une devanture à la limite de l'effrayant pour ne jamais avoir de réservations, des planches sur les fenêtres du hall pour éviter l'irruption de squatteurs et la condamnation des fenêtres de chambres pour empêcher les regards indiscrets. Rentrer dans l'hôtel à l'heure actuelle serait comme rentrer dans une ruine urbaine et espérer ne pas choper le tétanos.
Aucun client n'étant prévu pour aujourd'hui, j'ai décidé de laisser mes employés se prélasser dans les anciennes cuisines aménagées en salon salle à manger temporairement. Réhabiliter une ruine sans moyens n'étant pas la plus simple des tâches, essayer de faire avec ce qu'on a est devenu une seconde nature.

Soupirant un coup, je m'installe derrière le comptoir après avoir dépoussiéré son tabouret et vérifier l'absence de petite bête. Un coup d'œil sur mon téléphone m'indique une heure tardive et je commence déjà à regretter d'avoir choisi le premier tour de veille. Maugréant, je croise les jambes et garde une main posée sur ma batte de baseball, me demandant si les sangsues offrent des services de videur.

La porte claque et.. Mes fesses aussi. Violement sur le tabouret. Un sursaut si grand que je manque de tomber et faire voler mon téléphone en même temps. Mais je me retiens, je fixe le nouvel arrivant avec le cœur accéléré par le soudain rush d'adrénaline, la sensation d'être une biche surprise par un chasseur.
Je déglutis lentement lorsqu'il s'approche. Derrière lui, la porte se ferme lentement avec le crissement des films d'horreur et je vois peu à peu la rue disparaître derrière un homme pas forcément rassurant. Je la vois disparaître et, l'espace d'un instant, m'amuse à me dire que la rue n'est franchement pas plus sécurisante que ce qui risque de se passer maintenant.

Sa remarque perce le silence et me fait arquer un sourcil. Bah oui ça shlingue, connard. Y'a de l'eau et de la moisissure partout, tu t'attendais à quoi ? P'tit co-.. Putain il est grand. Ses pas sont rapidement soudainement, ses mains sont déjà sur mon comptoir et son visage mauvais posé sur le mien. Le mien qui... N'exprime pas grand chose si ce n'est la surprise de voir un aussi grand spécimen arriver de nul part et parler comme s'il était le proprio. Et il me tutoie... Je serai plus grand et plus fort que lui, je l'aurais envoyé chier. Ma bouche se pince légèrement et mon regard part brièvement sur la batte à mes pieds puis vers lui. Essayant de calculer mentalement le temps de réaction possible ainsi que la possibilité de pouvoir assommer un bestiaux pareil avec mes bras de crevette.

- Hm.. Bonjour. Oui, c'est moi.. Je m'appelle Charlie Perkins. Je ne crois pas vous avoir déjà rencontré par contre..

Clignant doucement des yeux, je le détaille d'abord brièvement du regard. Ma mâchoire venant se serrer légèrement à la réalisation qu'il ne porte pas de signe ostentatoire pouvant me faire comprendre qu'il s'agit d'un Vespi'. Ma tension monte légèrement, faisant rougir mes joues et serrer ma gorge. Donner des informations à quelqu'un ne devant pas les connaître pourrait revenir à sauter pieds joints dans un piège à loup. Mais, d'un autre côté, ce mec à l'air d'être aussi tendre qu'un uppercut.
Me râclant la gorge, j'essaie de lui offrir un sourire poli et aussi sincère que possible.

- Je ne sais pas ce qu'on dit ni qui dit des choses sur cet hôtel. Mais comme vous pouvez le voir, c'est une ruine à l'heure actuelle. Nous ne prenons pas de clients cherchant à dormir.

Mes yeux se figent sur les siens et essaient de lui lancer des signaux de détresse. Une simple preuve de ce qu'il est réussirait à me soulager ne serait-ce qu'un peu. Je ne vais pas non plus expliquer que je vends du sang à des créatures meurtrières au premier géant sexy qui rentre dans mon hot-.. Quoi ? Focus Charlie, focus. Tu le matera quand tu sera en vie et qu'il marchera vers la sortie.

Je déglutis de moins en moins bien et mes yeux se plissent doucement. Son comportement me rends anxieux et je pense qu'il le sait. Je pense qu'il sait exactement l'effet qu'il a sur les gens et, à défaut de le rendre humble, cela le rends dangereux. Il se présente et je souris poliment, ne fait aucun autre commentaire. Il veut dire autre chose, veut faire autre chose et ça se sent.

Son côté théâtral s'élance et mon instinct de survie s'active. Mon cœur ne s'est pas calmé mais se calle sur un rythme régulier. Elevé, mais régulier. Mon esprit se focalise sur lui et chaque seconde où ses yeux ne sont pas sur moi sont passés à jauger les différentes portes de sorties.
Lorsqu'il se retourne, je sais. Je sais que le moindre mouvement l'exciterait. J'ai déjà vu ce regard dans les yeux des chiens errants ou dans celui des prédateurs sur national geographic. Je garde mes mains éloignées de mon téléphone.. Quand bien même aurais-je voulu prévenir les autres, à ce stade, je préfère autant privilégier ma propre survie, quitte à les jeter en pâture pour m'enfuir. Un plan B est toujours mieux qu'un plan morgue.

Sa main se pose sur mon épaule et, dans une toute autre situation, j'aurais put potentiellement lâcher une larme et sourire en appréciant un contact physique. Mon dernier ex étant à la limite du frigi-.. Froid. Sa main est froide. Il a froid ? C'est vachement froid quand même. FOCUS CHARLIE PUTAIN.
Lorsqu'il m'attire à lui, manquant de me faire chuter de mon tabouret, je visualise autant une nuit torride qu'une nuit horrible et fronce légèrement mes sourcils, un petit hoquet de surprise s'échappant de mes lèvres et le rouge monte lorsque sa voix frôle mon oreille. Pourtant, c'est bel et bien lorsqu'il me lâche au sol que le premier son s'échappe de mes lèvres. Mes jambes se dérobant et me laissant m'éclater au sol avec la grâce d'un oiseau lâché sur un paillasson par un chat sur le point de jouer avec. Sa dernière phrase aurait put me glacer le sang si seulement je n'étais pas déjà en train de geindre un peu au sol, les fesses endolories.

- Ah put-... Ffff...

Le regard encore échappant à celui de Saturne, je masse délicatement mon séant tout en retirant l'un des gravas lui ayant fait la bise avant de reprendre la parole, me râclant la gorge.

- Je.. Enchanté Monsieur Atkins. Préférez vous Monsieur Atkins ou que je vous appelle par votre prén-...om..

Mes yeux se tournent enfin vers lui. Effleurant d'abord ses yeux puis, instinctivement, venant se loger sur son sourire carnassier aux dents particulièrement prononcées. Pourtant, mon rythme cardiaque ne change pas. Aucune surprise ne se présente sur mon visage et mon niveau de stresse n'augmente pas. Il est là, présent comme n'importe quelle proie en danger mais aucun signe ne trahis de surprise puisque celle ci est absente.

- Et.. Bien au moins c'est clair maintenant..

Son visage me trouble et me gêne presque plus que la menace d'être dévoré sur le champs. Exsudant tellement de charisme et de confiance en soi que je peine à comprendre s'il s'agit de confiance ou de délusion.

- Mon hôtel de merde vient presque tout juste d'ouvrir. Ce n'est pas le genre d'établissement que l'on peut ouvertement financer et je ne peux pas le faire tourner sans argent.. Je serai ravi de vous aider.. Je sais pertinemment que si vous le désiriez, vous pourriez massacrer toute âme vivante dans cet hôtel et vous servir à volonté. Mais je veux essayer de créer une source renouvelable.. Donc.. Je peux peut-être vous aider.. Monnayant argent ou aide. J'aurais juste besoin de connaître vos goûts.

Marquant une nouvelle pause, je défais le zipper de mon hoodie et en dégage une partie de mon bras, révélant ma peau du coude jusqu'au cou. Des traces de morsures blanchies ici et là marquant mes "prélèvements" passés. Je déglutis de nouveau et observe sa réaction, n'y cherchant pas de la sympathie mais un intérêt autre qu'animal.

- Si c'est mon sang qui vous intéresse, j'accepte de vous le faire goûter pour savoir s'il est à votre goût. Je souhaite rester en vie et en un seul morceau.. S'il vous plait.

Mes yeux se baissent légèrement. On est quand même bien loin de l'hôtel où le monde de la nuit me respecterait pour mes services. Loin de la matrone badass qui protège ses intérêts et qui prouve à tout le monde qu'iel est une dure à cuire.
Non, même la mère de Causette s'est plus battue quand elle faisait le tapin. T'es juste une misérable pute à sang et tu baisses la tête devant le premier prédateur. Tu pourrais faire tellement de grandes choses Charlie, faire plus que survivre mais tu restes minable.
Après.. Certes, tu es dans un combat de David contre Goliath sauf que tu as même pas de fronde.

C'est dingue comment un mec parfaitement mon type physiquement peut devenir hideux en quelques secondes avec des mots. Alors certes, geste parlant, je serai prêt à lui dire "yes daddy". Mais là, à part un "ta gueule, t'as un nom de planète".. J'ai du mal à trouver quoi lui dire. Du coup, je ne dis rien et subis.

- Je parle trop, je sais. J'en suis navré.. Mr Atkins. Le lieu est uniquement sûr parce qu'il est aussi dangereux pour les vôtres que pour moi. Je n'ai aucune raison d'être laxiste sur le secret. Je meurs si ça s'apprends.

Et je vais aussi probablement mourir si ça ne s'apprend pas. Qu'est ce qu'elle est chouette la vie en vrai hein ?

Sa force me fait légèrement décoller, projeté vers lui et sa froideur avant que sa langue ne rejoigne ma peau. Je frémis, dégouté et en même temps presque morbidement curieux. Une langue presque glacée et pourtant vivante se réchauffant à mon contact. Une chose presque poétique si je ne comprenais pas avoir proposé mon sang à l'un de ceux ayant un appétit plus vorace. Une pute à Vesperis.. Super. Si jusqu'à présent j'étais le seul à l'utiliser.. Le fait qu'il le dise aussi plante le clou dans le cercueil. Je serre les dents et le fixe, blessé mais résigné.

Le dos contre le mur glacé et le visage près de la froideur du sien, j'ai soudainement l'impression d'être dans la chambre froide et mon coeur s'emballe légèrement. Les cris des gens me viennent en tête et ma main tremble légèrement. J'ai été un monstre tout ce temps. C'est ça qu'ils ressentent ?

A la fin de sa prise de parole, je déglutis difficilement, créant un petit bruit étouffé.

- Je donne mon sang parce que j'ai besoin de faire marcher cet endroit pour assurer la sécurité et le secret des vôtres. Si l'option de ne l'offrir qu'à un seul m'était accordé, croyez bien que je la saisirai.

Ma bouche se perce d'une moue gênée, mes yeux ne le quittent pas bien qu'il se soit retourné.

- Je peux nourrir vos hommes. Juste pas quotidiennement. Ce serait attirer trop d'attentions sur le quartier où je suis et je ne peux pas me le permettre. Si ce n'est pas assez... Peut-être peut-on convier d'un système de.. Hm.. Garde sporadique ? Je peux vous envoyer un message à vous ou à un de vos contacts pour signaler mon besoin de garde un certain jour. Et je leur fournirai de quoi se nourrir ainsi qu'une chambre pour la journée.

Je parle beaucoup. Peut-être trop, peut-être pas assez. L'homme est un animal et l'animal semble être d'une patience fine quoi qu'un peu joueur. Un intérêt piqué serait peut-être capable de me sauver d'une mauvaise passe ou d'une fin de vie prématurée.

- Je saurai faire mes preuves Monsieur Atkins..

Une pause s'installe entre mes mots, l'hésitation au cœur avant de reprendre.

- L'un.. Ahem.. J'ai des suspicions sur un de mes employés concernant sa volonté à partir et révéler certaines choses. Je comptais m'en charger demain mais..

Ma gorge se serre et l'un de mes mains rejoins ma nuque, mes doigts grattant ma peau dans une marque de légère anxiété.

- Si vous avez faim ce soir, je peux l'envoyer nettoyer la chambre froide..