Suffocante nuit;
Nul bruit ne parvient à ses oreilles, seul le chant des astres percent le manteau obscur.
On reprochait à l’être de croire, bien souvent, on reprochait à l’humain d’être malgré le don de la raison une créature de sensation. Faye n’y échappait guère à cette folie coutumière de l’humanité, à se faufiler entre les tombes des morts pour satisfaire ce besoin de paix.

La peur grignotait en ses côtes, arrachait os et chair pour ne jamais se défaire d’elle. Était-ce si étrange qu’en Sa présence, la peur semblait se dissoudre, redevenir un chiot à la gueule barrée de la muselière la plus lourde ? Elle ne savait qu’en penser, elle fille fantomatique entre les dépouilles et les pierres encore humides des larmes des vivants, elle venait recevoir la Guidance de son Ange.

Sous l’éternelle Lune, au regard blafard,
Adossé à l'épitaphe pathétique d’une vie finie trop tôt,
Drapé dans Son sacre et Sa grâce

l’attendait-Il. Un être plus cru que Faye aurai pu voir en sa figure une femme, et se détruire à correspondre l’image et l’âme mais Faye savait ce qu’Il était.

Une créature dont l’illusion ne pouvait expliquer la fonction, une créature qu’elle désirait tant recueillir en son être comme un Saint incarnée, désincarné, presque grossier dans ce lieu où au lointain les néons éclairaient les pavés battus par les hommes.


Faye s’agenouillait, tâchait sa robe claire d’une tâche de la forme d’une rotule aplatie, fermait les yeux, recevait Sa voix.

-Cher Ange, merci de me grâcier de Votre présence encore une fois.

Son regard restait au creux des chrystamènes, à observer les pétales flétris, comme un champ parsemés de ces morts.

-Je suis heureuse que vous m’accordiez autant de temps, je me languis de vous si souvent. J’aimerai tellement entendre Votre voix quand je doute.

Elle doute tant, Faye.
Elle doute tant et si bien, qu’elle ne sait plus vers qui offrir ses prières.
Et l’Ange les recevait. Peut-être était il un Vesperis moqueur, ou un véritable ange, mais véritable foi s'arrachait les yeux pour ne pas supporter la béance de ses désirs. Pouvait-il savoir cet ange aux ailes teintés que son sang portait la convoitise de son espèce?

Pouvait-elle espérer voir plus que le néant ?
Sous ses yeux ambrés, l’alacrité se refusait à son étreinte. L’heure devenait grave, accordait les désespoirs avec les illusions, l’espoir avec la cruelle charge que chaque chose possède sa conséquence.

Et ses doigts à sa bouche, pour psalmodier ou pour dévorer sa chair, apportaient le réconfort d’un malheur paien. Elle contemplait la courbe de son être, discernait sans peine le divin avant de rougir, pâlir, s’enfoncer de cette foi contrariée. Il est impie d’explorer l’oeuvre d’un dieu bafouillé par la chair.

Petit oiseau aux ailes bandées, ne pouvant plus voler
était destiné à être mangé.

Elle voudrait lui demander, de ses lèvres froides si elle était aimée par Lui; mais la réponse se faisait évidente. Glaciale nuit, lune sans chaleur ni tendresse, elle n’était pas aimée car elle était Faye, elle était aimée car elle était sujet à sa grandeur.

Sa voix résonnait, ricochant entre les granites et les ébènes, offrant ses intonations aux statuettes désuètes des maries éplorées, elle soupirait apaisée, laissant le son la consoler, le berçant vers l'inconscience infantile.Eux n’ayant pas de voix, les enfant, et l’Ange en avait trop.

Elle voudrait qu’il lui conte ses vies et ses morts, la gloire de l’humanité sur le lie de la défaite liquoreuse.

-Je peine à transmettre ma gratitude, Ange. Je peine à exprimer la profondeur de mon dévouement et la sincérité de mes vœux… Je suis si impure, si souillée, st pierre n'appellera pas mon nom et je refuse qu’il le fasse. Je suis Bénie par Votre voix; rendue vivante par Votre souffle.

La foi se désirait aveugle; la vérité se voulait pieuse.

-Ma famille porte le poids du péché. Et mon sang en subit les conséquences de cette marque odieuse, mon oncle sera tué. Je suis…Odieuse.

Contait-elle.

Les yeux mi-clos, les promesses délitées. Son sang était l’or et les étoiles, la fin et le renouveau sous ce ciel aveuglé par les fausses lumières des hommes.

Pouvait-elle espérer voir plus que le néant ?
Elle voudrait répliquer; elle voudrait affirmer
que sa lie reposait dans le sang disgracieux, dans cette ville qu’elle sentait dans chaque recoin de son être, les ruelles comme ces capillaires fragiles et capricieux, les habitants comme cette population de bactéries et de globules.
La ville comme son cadavre; Faye.

Mais l’Ange rétorquait, dansait avec les mots avec la grâce mystique de ceux que la destinée ne regarde plus. Il la rassurait par les blâmes, laissait les astres luire en lui rappelant la cruauté de la nuit et elle l’écoutait solennelle, les mains jointes et collantes. La sueur de ce cœur hurlant humanisait l’aspect mais pas l’âme.

Yeux imprudents cherchent la lumière; se lèvent vers Lui
Livide créature s’avançant sur la terre battue des morts, ses pieds délivrant les senteurs hâves du sol.

Qu’une enfant - sans doute.
Une colombe désirant accompagner un Ange dans son vol, se brûler dans la traînée de l’astre.

-Pardonnez moi… je suis perdue, je laisse mes vœux me guider jusqu’à Vous.

Ces lèvres jointes laissaient filtrer le plus mince des chuchotis. Elle le dévorait des yeux, son Ange. Décrivaient les arabesques de son visage, la tendresse gracieuse de ses yeux, la beauté toute entièrement contenue dans son coeur et elle fut certaine que si le mal existait en Elle; il était bien minime face au Bien qu’Il lui offrait.

-Votre raison est Juste et Claire, pardonnez moi de mes égarements. Je devrais pas être ainsi et perdre le temps qu’il m’est accordé à Vos côtés.

Elle toussait, refoulait cette larme coincée car elle eut peur d’être maladroite.

-Mes péchés sont les suivants. Je désire la puissance. Je désire le pouvoir. Je désire la force, je désire ce que mon nom possédait mais que je n’ai plus. Je désire protéger l’univers entier et le garder en moi, précieusement. Je veux plus; toujours plus mais je sais que…ce n’est pas moi. Quelque chose, quelque chose en moi veut plus. Et ça me terrifie. Je suis terrifiée par moi-même. Je suis dévorée par Ça, la colère, la culpabilité, la haine, la violence, la chair. Ce monde est gangrené et et je me meurs avec.

Et par ces mots; elle s’animait et retombait. Lasse de ces nuits sans soleil ni paix.

Pouvait-elle espérer voir plus que le néant ?
Mots difficiles à prononcer que ceux de dire qu’elle était accoutumée à se considérer fautive par défaut, fautive de part sa survie, fautive de part sa Faim. Alors, elle contemplait la silhouette évanescente, tenait des bras vides vers sa lueur pour sentir ses capillaires se gonfler de sang.

Combien donnerait-elle pour être tenue comme les Jésus en faïence dans les bras peints de sa Mère.

Ses yeux gorgés de larmes devaient être bien laids. Car elle avait attendu avec tant de peine ces mots, cet amour lointain qu’il lui offrait entre Ses lèvres. Les larmes coulaient sur ses joues, nourrissant la Ville de son eau, comme le don d’une humidité sacrée en échange des pardons saints de ces mots.

Papillons entre eux; se nourrissant des morts
Psychopompes des âmes étiolées.
Le vent se fit joueur entre leurs cheveux.


Et leurs yeux si proches gardaient le sens du secret qu’Il l’incitait à prononcer. À vouloir mettre entre ses mains douces le sens de ces élucubrations.

Alors elle dénouera, tirera, effilochera le sens de ces mots.
Se rapprochant de Lui; offrant ses mains ouvertes à son regard.


-Je désire ce que ma Famille fut autrefois; La bénédiction de la Terre, l’Appel d’Arkham en ma chair se fait trop présent. Quelque chose a besoin de moi, quelque chose de divin, je ne peux pas partir, je ne peux pas fuir mais je dois l’avoir. Quand je ferme les yeux, je l’entends hurler. Ce morceau de la Ville sur laquelle je marche.

Regard fixé sur le sol.

-Ce Plus.. ce plus est caché en moi. J’ai une clé en moi. Et je n’arrive pas à l’atteindre, je ne peux pas l’atteindre et c’est si mal de désirer déterrer les secrets de morts.

Mots hachés.
Mots tremblants.

L’idée de violence envers son corps la fit frissonner.
Un désir indécent, incandescent, un délire violent se masquant comme une terreur.
L’idée de voir ses chairs ouvertes, d’enfin connaître la vérité de son anatomie, le secret logé entre son pancréas et ses poumons la ravissait, béate.

Elle voudrait lui demander-
Maintenant!
Ouvrez-moi!
Maintenant!

Elle n’en pouvait plus de vivre, cela lui était insupportable. Mais est ce que cela serait juste ou même bon de souiller l’ange de ces viscères ? Et il parlait, parlait, parlait, étalait ces termes sagaces sur son esprit défait et elle voulait répliquer. Lui offrir les secrets de son sang, lui dire que si cette ville mourrait, c’était de la faute des Byrd

Que si cette terre léchait leurs pieds, c’était de la faute du premier Byrd
Mais amoureusement, elle fermait les yeux; taisait ses pensées, absorbait ses vérités avant de chuchoter.

-Béni soit Ton nom, mon Ange.

Portant ses mains jointes à son visage, une onction sacrée dont seule Elle connaissait le sens, elle voulut pleurer pour offrir à sa sainteté la preuve de sa foi.

-J’accueillerai le souvenir et le sentiment pour comprendre ce que cette Ville attend de moi et de nous. Nous les Byrd, moi Faye. Je te dirai si elle m’a répondu, si ton frère d’armes sous la ville m’a parlé. Parfois…je l’entends presque me parler, j’entends les bruits de la Terre. Elle va bientôt s’éveiller; Cela est dit.

Et les yeux vers lui, elle chuchota.

-Et elle me dit “Viens”. Voici donc à quoi je sers. À la retrouver. Au revoir mon ange, au revoir mon sauveur, je me hâte déjà de Te retrouver.

Et elle fermait les yeux, dédiée à ce qu’elle voulait faire, voulait comprendre. Martyr d’une foi ignoble.