Tout se passe bien dans cette petite fête. J'ai réussi à dégoter deux trois nouveaux pigeons supplémentaire, de quoi remplir mon stock de nourriture pour quelques semaines. Je suis magnifique dans ces nouveaux vêtements et franchement, je vois la chance me sourire. Tout est beau, magnifique et noir. Noir ? Comme ça noir ? Pourquoi tout est noir soudainement.

Je regarde autour de moi sans vraiment comprendre avant de réaliser que mes yeux sont fermés et que je ne bouge pas. Toussant de la poussière, je me redresse en geignant, la tête douloureuse par un possible impact. Une de mes mains masse doucement l'arrière de mon crâne tandis que mes yeux s'acclimatent lentement à la pénombre pendant que mon cerveau essaie de réaliser ce qu'il vient de se passer. Perdre connaissance est une chose mais perdre connaissance et finir entouré de gravats.. C'est quand même particulier.

Du bruit m'alerte, comme des voix. Ma main se dirige instantanément vers la manche longue recouvrant mon bras et y tâtonne le relief créé par la dague camouflée, comme pour me rassurer. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais je compte mourir devant un public, pas dans une crevasse.

Redressé, je commence à effectuer quelques pas mal assurés dans la direction du bruit avant de me faire légèrement chahuter par un mur de pierre prononçant mon surnom. Qué ?
Tournant la tête vers le son, je viens palper de la main ce qui me semble être du tissu sur un corps dur puis penche la tête sur le côté.

- Euh.. ... Oh putain.. Coucou toi. Dis moi, tu sais ce qu'il s'est pass-..

Je m'arrête dans mes mots brutalement. Ma respiration légèrement perturbée par la sensation me parcourant l'échine. Ma gorge se resserre sur mes paroles et, l'espace de quelques instants mon visage n'exprime qu'une profonde terreur. Je suis incapable de réellement savoir s'il s'agit d'un bon ou mauvais augure mais.. La dernière fois qu'une sensation étrange m'a tapé l'épaule, je me suis retrouvé éviscéré par un fantôme.

Réalisant que ma pause dramatique doit maintenant attirer l'attention, je décide de plonger dans le ridicule et tombe à genoux en pleurnichant, tenant dans mes mains mes lunettes brisées.

- Noooooooon... Mes lunettttteeees... J'avais pas besoin de vous mais vous étiez trop jeune pour partir ! Je vous vengerai, c'est promis.

Essuyant une larme absente, je détourne mon regard vers le reste du groupe, m'apprêtant à les saluer avant de réaliser qu'il s'agit d'un Vesperis.

- Ah..

Et qu'il tient Elain dans les bras.

- Ah.

Ma mâchoire se resserre et l'une de mes mains recouvre le manche camouflé de ma dague, prêt à la dégainer si le Vesperis présente le moindre signe d'hostilité. J'ai deux civils avec moi, aucune chance qu'on s'en sorte s'il attaque mais je partirais pas sans lui arracher au moins des cheveux.

- Ahem.. Je sais pas depuis combien de temps on est tombés.. Quelqu'un a déjà regardé si on avait une sortie ?

A genoux mais pas pour très longtemps... On évite les sales pensées, tu t'apprêtes à mourir Charlie, un peu de sérieux... Je me redresse doucement en me massant la gorge. Râclant ma gorge, j'essaie de détendre mes muscles sans réellement réussir à y parvenir. Ma déglutition se faisant de plus en plus compliquée, je grimace légèrement et me contente de bêtement suivre le mouvement sans vraiment réfléchir.

L'inconfort est visiblement mon visage, grimaçant à chaque avalage de salive et mes yeux traînent sur chaque renfoncements de gravats, espérant y voir une sortie. Pour être franc, j'oublie même momentanément que je suis uniquement entouré de personnes que je connais déjà et pour qui j'ai porté des masques différents. Seule la mention des téléphones me fait sortir de ma torpeur en m'incite à m'emparer du mien.

Je ne regarde pas vraiment si je capte ou non, espérant qu'à défaut de s'envoyer tout de suite dans le cas négatif, il s'enverra dès que du réseau sera disponible. Mes doigts tapent rapidement, n'envoyant que trois lettres et ma géolocalisation vers ... Qui. Qui ? Je reste quelques secondes prostré sur mon téléphone en réfléchissant avant d'envoyer le message vers Mimosa : "S.O.S".

La messagerie fermée juste après, je me contente d'allumer la lampe torche intégrée. Même si je pense d'abord à regarder les murs, je comprends que mes comparses le font déjà et me contente d'éclairer le sol. Il serait déjà bien de savoir sur quoi repose notre survie.

- Fai-.. tes.. Att..ention.

Râclage de gorge mêlée à une petite toux, cherchant à déloger ou desserrer ma gorge.

- A là.. où-.. Marchez.

Déglutissant difficilement, j'essaie de me calmer en plissant les yeux et essayer des exercices de respiration... Compliqué lorsque la respiration fait partie du problème. Pourtant j'essaie. J'essaie autant de me calmer que de ressentir si quelque chose d'autre qu'un sinistre naturel vient de se produire. Comprendre si ma gorge n'est qu'un symptôme d'une crise de panique ou d'une nouvelle expérience s'apprêtant à être particulièrement désagréable.

Sortir, survivre, survivre, sortir. Peu de mots mais beaucoup d'intentions. Je fixe la sortie avec autant de désir qu'un assoiffé regardant un mirage dans le désert. Une part de moi doute quand à la véracité de cet espoir, une autre à presque envie de rester et faire face à la mort mais la majorité de mon être veut juste courir pour m'échapper. J'ai passé ma vie à vouloir survivre et l'on a toujours du mal à résister à nos habitudes. Même si les "voix" m'ont dit de vivre et ne pas survivre, je doute qu'elles parlaient de mourir étouffer sous un tas de gravas. Mourir par l'église.. On m'avait déjà sorti ça un jour, je ne pensais pas qu'ils auraient raison.

Lorsqu'Arnold prononce mon surnom, je me tourne vers lui, ôté de ma rêvasserie. L'espace d'un instant, je l'imagine me porter avec ses gros muscles tout durs et, sur le coup.. Je me serai presque laissé à jouer la princesse en détresse.. Si je n'étais pas en train de m'étouffer à moitié. Tant bien que mal, j'essaie de me caler sur sa respiration, le sifflement aigue sortant de ma gorge marquant un peu plus le resserrement de celle-ci. Je ne panique pas facilement face à l'angoisse alors pourquoi maintenant.

Secouant négativement sa tête, je me contente de pointer la sortie du doigt et commence à m'y diriger. Cherchant à sortir aussi rapidement que possible tout en évitant de marcher sur ce qui ne semble pas être stable. Massant ma gorge au passage à multiple reprises, j'essaie de tousser ou cracher ce qui semble gêner ma respiration, quand bien même cela serait fictif.
Mon regard n'est plus vraiment porté vers Jun, Elain ou Arnold. Ce dernier à vu la direction que je pointais et vers laquelle je me dirige. Les autres sont des amoureux heureux alors je les emmerde. Je m'étouffe, plus question d'aider qui que ce soit à part moi même. Je veux sortir.

Tout me casse les c-.. Couilles. Oui je le dis. Bas les couilles. De toute manière on va tous crever ici et sur ma pierre tombale il y aura écrit "Il est mort comme il a vécu, comme une merde".
Ma tête cogne de temps en temps sur des gravats, incapable de déterminer si le plafond temporaire est trop bas où si je me prends juste des chutes de pierres sur le coin de la gueule.
Tout ce que je veux, c'est sortir et pourtant, je me permet de faire des petits signes pour ceux qui me suivent, pointant les endroits dangereux du doigts.

Alors que je m'apprête à indiquer une bute au sol.. Elle revient. Elle, c'est la voix. Elle, c'est celle qui a décidé de mon ventre était trop plat. Elle, c'est celle qui me fait vriller instantanément.

- P-.. Putaiiiiin, c'est pas le moment Sarah...

Mon agacement s'exprime dans un râlement plus vocal qu'un murmure mais moins perceptible qu'une véritable prise de parole.
Pourquoi est-ce qu'elle se ramène maintenant.. C'est quand même pas elle qui a fait chuter l'église.. Eventrer des gens c'est une chose, mais là, c'est gros quand même. J'en ai rien à foutre, si elle décide de recommencer j'emmène les autres dans ma mort. Aucune chance que j'affronte tout seul l'Après. Jun est un Vespi, si on meurt ensemble, je sais que mon dossier aura l'air moins sale à côté du sien si on est jugé par l'ange... L'ange qui.. Bob ?

- Qui je suis... Qui je suis.. Mais.. Je demande que ça de débloquer mon potentiel mais tu m'aides pas des masses là ! Donne moi un indice merde ! Je suis sensé répondre quoi ? JE SUIS CHARLIE C'EST CA ?!

Râlant, j'accélère le pas, trottant presque en continuant de m'amocher à chaque gravats trop pointu, ma voix vociférant presque en exprimant autant l'énervement qu'une pointe très légère de dépression nerveuse.

- OUI JE PARLE TOUT SEUL. ET JE VOUS EMMERDE. Bougez vous ou la petite voix va m'ouvrir le bidou. Je suis dans la merde. Ça y répond ça ? Je sais pas. C'est pas du qui comme question. Bref, j'ai pris un coup sur la tête, plusieurs même. Bougez vous parce que je compte pas abîmer mes ongles pour virer les gravats une fois tombés.

Mon débit de parole ne se calme pas. Paradoxalement, je suis calme intérieurement, aussi calme que dans le cimetière la première fois que c'est arrivé. Je me sens apaisé. Mon cerveau gère juste difficilement toutes ces merdes et mauvais augures en même temps. Je suis même incapable de dire si je viens d'avoir cet élan à haute voix ou non. Peut-être que je délire complètement. Peut-être que c'est Sarah qui s'amuse depuis le début. Peut-être que Sarah s'appelle Bob. Bob, l'ange du paradis. Je suis peut-être déjà mort. Merde, j'ai oublié d'éteindre la lumière de ma chambre.