eyes closed

C'est un échec.
La voix est moins sévère que lui mais voilà : ce n'était pas parfait, et alors, ce n'était pas bien non plus. Andrea ne saura pas, de suite, de quel sang elle parle ; ne comprend pas la suite non plus, ne saura l'identité de celleux sous verre, ne saura pas l'origine de ces mouvements imposés à lui. Voilà la vérité : ce n'est pas lui qui a fait ce qu'il fallait. C'était autre chose. Ailleurs. Hors de lui, hors de là. La Papesse avait dû intervenir parce qu'il n'était pas assez bon pour trouver seul. Cela était risible.
L'amour, qui l'enveloppe alors, lui semble injustifié. Il ne le mérite pas. Ca ne l'empêche pas d'affluer, de continuer. Il a remarqué, oui, la variation en son intensité -il ne veut pas y réfléchir mais s'y force. Quelle était l'histoire entre l'Arcane et la 3ème entité qui les couvaient ici ?
Ses yeux sont tristes, derrière la barrière d'indifférence. Il relève enfin son regard du sol pour dévisager Darcy. Il avait envie de la capturer ici et maintenant, de la faire prisonnière et de tout comprendre alors sur ce qu'il s'était passé ici -il n'en fit rien. Madame de Manincor -permettez-vous que nous vous raccompagnons ? La lune est déjà haute. Il n'avait pas oublié l'autre mystère.
Andrea avance. Il dépasse les Vesperis, ne leur donne aucun regard ; dans cet instant, il fait comme il faisait avant déjà : inondé d'amour mais ne se sentant pas à la hauteur, il fait son devoir plutôt que ses envies. Quand il se retourne pour attendre Sélène, ses yeux dérapent. Et toi, Lawrence, tu vois, n'est-ce pas ? Comme il est déçu de lui, comme il se sent encore alien, comme il se veut seul tout en t'appelant sans bruit, dans le langage des adelphes qui se connaissent tragiquement depuis toujours. Il le savait mais maintenant il l'a vu : tu n'as pas besoin de lui. Tant mieux.
Oui, tant mieux.

Au confins de la ruche

Et soudain, le calme lui revient. Le ciel nocturne s'ouvre au-dessus de leur tête et une voix les gracie. Sauvé·e. Materia a entendu sa prière et a répondu. La Bête a relâché sa prise sur son cœur. Sauvé. Des larmes sanglantes roulent sur ses joues. C'est terminé. Le rossignol chantera un autre crépuscule.

Loren se détache de la porte et essuie ses yeux. Ses pas l'amènent à Darcy qui a su le rassurer à l'instant critique. Iel lui en est redevable. Alors il lui tend une main, peut-être pour communiquer toute sa reconnaissance, peut-être pour lui partager un peu de la foi et du calme souverain qui l'animent. Ils sont Vesperis, ils ne seront plus jamais seuls.

Du coin de l'œil, iel aperçoit Andrea passer si près et l'ignorer. Comme il l'a fait lui-même plus tôt. Ah. La sérénité qui illuminait son visage s'éteint alors qu'iel tourne sa tête en sa direction et le regarde et le voit pour la première fois depuis…

Iel reconnait cette démarche, cette
tension entre sa nuque et ses épaules
Il sait.
Il sait.

Et dans l'instant où son regard croise le sien – par accident, iel ne se fait pas d'idée – Loren souhaiterait tendre sa main vers elle, lui dire que tout le reste peut aller se faire foutre, qu'elle en a déjà tellement assez fait, que le ciel ne brillerait pas de ses mille étoiles sans son intervention ; hell, iel lui dirait que plus rien n'a d'importance, que les enfants de Mens et Materia ont survécu ensemble et qui sait ce qu'ils pourraient faire en arrêtant de s'entre-tuer ; iel lui dirait sa paix intérieure telle qu'iel n'en a jamais connu auparavant, la prendrait dans ses bras et lui dirait combien elle lui a manqué et combien iel est désolé·e de l'avoir laissé seule et-

Le silence est tout ce qu'il peut lui offrir. Sa main serre plutôt celle de Darcy – pour se calmer, pour se rappeler à l'ordre – avant de se retourner vers elle et tourner dos à Rea.

« Rentrons, j'ai hâte de me débarrasser de cette tunique et de ce cauchemar. »