L'eau froide le foudroie d'un sursaut.
Appuyé péniblement de ses bras sur ses genoux, l'attaque surprise de Fu Shen l'a sorti de sa torpeur. Si ses boucles collaient déjà à son visage, là elles couvrent ses tempes et son front. La main qui vient les tirer en arrière, dévoilant le visage d'un homme qui souffre ; c'est quoi cet endroit encore ? Pourquoi y respirer c'est comme se noyer à petit feu ?
Son regard se dirige immédiatement vers le coupable, puis l'esplanade au centre.
Massage. Il lui demande s'il veut un massage.
Il fait si chaud.
Fronce légèrement les sourcils, le temps d'essayer de réfléchir. Puis se lève, révèle aussi un corps marqué par les combats, et que la balafre au visage n'est donc pas si solitaire que cela.

- Ouais.

Pas la bonne réponse, mais l'idée est là; maintenant lui semble bien. Depuis quand Fu Shen sait masser ? L'humidité le terrasse si fort qu'il en oublie de poser la question. Il verra bien s'il y arrive vraiment. Puis, cela ne lui fera pas de mal.
Son dos devait n'être que des nœuds, depuis le temps.
Passant à coté de son ami, il s'arrête : une ligne fine sur le visage du dix d'épée attire son attention.

- C'est nouveau.

Pointe du doigt la nouvelle médaille, attendant le récit de cette dernière. Devait il l'aider à traquer son auteurice ? Puis, l'estrade.
Il l'observe, se tient debout sans savoir quoi faire, et se tourne vers Fu Shen. Perdu. Comment s'allonger ? Sur le ventre ? C'est sûrement sur le ventre...
On ne l'y reprendra plus à gagner des places pour deux pour des hammams.

Il a cru passed out au moins cinq fois.

- Comment t'arrives a respirer ?!

Il respirait de l'eau, manquait de se noyer.
Il fait de son mieux.
Puis il regarde les traces au cou, fronçant les sourcils. Encore une traque dont il ne savait rien, et des blessures qu'il n'aurait pas eu s'ils l'avaient traqués à deux. Après, lui aussi avait sa chasse. Mais malheureusement, le succès dépend d'une autre paire d'yeux pour combler celle qui lui manque, malgré tout ses efforts.
Mais Fu Shen a l'air de bien se porter, d'en parler et d'en sourire comme si ce n'était rien.
Alors il laisse l'affaire de coté.

Se laisser emmener par l'ami et s'allonger sur le ventre comme il le demande, pourtant sceptique. Le massage reste une notion lointaine, l'air est toujours pesant et déconcentre; la détente ne l'est pas encore véritablement. Mais ses mains viennent presser ses muscles. Ni douloureux ni agréable d'abord : Ellair est tendu, inhabitué de ce genre de traitement. Se  détendre, ce n'est pas ce que Mens lui a appris. Pourtant, au fil de la pression des doigts de Fu Shen, il apprend. Un soupir, les yeux qui se ferment, et il pourrait presque sentir son corps entier se décontracter.
Un nouveau rire, alors que Fu Shen explore son dos.
Ellair grogne légèrement, c'est le  maximum qu'il puisse communiquer. Ce sont des nœuds vieux de plusieurs années, un peu de respect !

Le reste le surprend: Ellair ne s'attendait pas à passer à la brosse. S'il allait pouvoir s'endormir avant, là, doucement il se fait réveiller par l'inattendu. Tendu, puis de nouveau détendu. Fu Shen sait ce qu'il fait, et se révèle avoir, pour de vrai, des mains de fée.

- Un des gamins vendait des tickets de tombola pour l'école...

Il ne peut pas dire non.
Et il a gagné le gros lot.
Il sourire en coin lui échappe, amusé.

- C'est vrai que ça aurait pu être un truc de saint Valentin.

Au final, aucun regret d'avoir emmené le compagnon d'arme. Est ce que n'importe quelle conquête aurait pu le masser comme ça ? Probablement pas. L'air semblait presque moins pénible à respirer maintenant que ses muscles sont détendus !

- T'aurais pu me dire plus tôt que tu masses...

Prêt à faire la sieste là.
Yeux fermés, un bras sous la tête comme oreiller.

Cela a été entendu, que le corps est un temple. Dans son imaginaire, ce n'était que l'arme de l'Ange et de Mens, toujours. Mais comme Fu Shen, il devrait prendre soin de ces armes. Cela le fera vivre plus longtemps. Cela rassurerait Anat et Maria. Ellair commence doucement à le comprendre, paisiblement allongé. L'humidité ne le dérange plus tant que cela.
Et est ce qu'ils se seraient croisés, s'ils n'était pas fait pour servir Mens ? Est ce qu'Ellair aurait survécu jusque là, à évacuer sa violence sans but ? Probablement pas. Ou ils se seraient retrouvés, combattus, et devenus alliés d'une manière ou d'une autre sans en douter.

Sapin ou romarin.
Il ouvre un oeil, le bon. Se redresse légèrement. C'est quoi la différence ?

- ... Romarin ?

Prétendre savoir.
De nouveau un seau d'eau pour retirer le savon. Cette fois, il n'est pas surpris. Il laisse Fu Shen faire, obéit sagement et se retourne.

Puis il fronce les sourcils, confus.
Lotion, dans quel but ?
Détendre les abdominaux, comment ?
Cela lui fait très peu de sens.
Mais Fu est confiant, alors, Ellair ne pose pas de question. Il s'installe, découvre, et profite.

La porte qui s'ouvre, c'est pour le dégouter.
Péniblement, il se redresse, s'appuie sur ses coudes et jette un coup d'oeil à l'employée pour hocher la tête.
Bien sûr qu'il va manger si c'est inclus dans le forfait !
Son regard devait retrouver celui de son ami, mais il s'arrête sur les cicatrices, qu'il collectionne comme lui. Elles mangent sur les muscles, abiment la silhouette. Mais à leurs yeux, ce sont des médailles.
Avait il déjà pris le temps de les voir ? Il a déjà du comparer les visibles, mais comme le talent pour les massages, d'autres lui étaient encore inconnues.
Enfin, croiser le regard de l'expert.

- Tu mentais pas.

Léger sourire en coin pour accompagner le compliment.
De vraies mains de fées, en effet.
Presque vexé de ne pas l'avoir appris plus tôt.

- T'en caches d'autre, des talents ?


Puis, râlant en silence, il se redresse.
C'est qu'il en profitait bien là. LE goûter sonnait pour lui comme la conclusion d'un plaisir trop rapidement consommé. Pose sa main sur l'épaule de Fu Shen et s'en aide pour se lever. Ellair a un peu hâte de sortir de cet aquarium et respirer à nouveau.

- Ca veut dire que c'est fini, le goûter ?

Eager de rien du tout, en dix ans il n'a jamais pu découvrir ce talent caché. C'est tout simplement du gachis, quand Fu Shen aurait pu le  mettre en pratique plus tôt. Son regard traine sur l'aîné au parfum, plisse légèrement les yeux à sa réponse. Il leur manquait le temps.

Puis c'est un sourire qu'il lui vole.
Comme s'il le gênait. Même dans un contexte pareil, mains à la peau même, Ellair était plus à  l'aise qu'embarrassé. Et n'étaient ils pas proche déjà ? Allié et frère d'arme  rêvé, Fu Shen avait déjà le maximum de confiance que que le balafré puisse offrir.
Fu Shen en rigole peut être, mais pour lui, c'est l'occasion de laisser s'échapper un aveu.

- Non... Il en faudrait plus.

Plus de jours à ses côtés, à prétendre que les jiangshis ne rôdent pas, et que le monde est paisible. Tant que l'éreintement les épargne.

- Tu dois en profiter aussi, non ? Tu n'en as pas encore eu le temps.

Toute son attention sur lui, Ellair s'en veut presque.
Puis suivre l'ami, lui faire confiance aveuglément. Si cela va lui plaire, alors il le croit. Pendant le cours trajet, en profiter pour sentir la peau de son avant bras, et y reconnaitre le romarin.
Ce n'est pas si désagréable...
Ensuite, voir son ami l'inviter à un bain. Ellair s'approche innocemment, et y rentre avec une confiance totale une jambe, avant de tressaillir, surpris. La surprise qui déforme les traits habituellement sérieux, l'insulte retenue. L'équilibre lui échappe aussi.
Mais quitte à sombre, ses mains agrippent l'ami pour le tirer avec lui dans l'eau froide. Il faut ensuite remonter rapidement, réveillé par le choc, et secouer la tête de tout cet excès d'eau.

- Alors, ça t'a plu ?

Trahison, disgrâce, il a pourtant un large sourire aux lèvres.
Il se retient de lui envoyer d'avantage d'eau dessus, pour préserver le gouter.
En attendant un passe ses mains sur son visage, dégage quelques mèches; prétend ne pas être tant dérangé que cela par l'eau glacée.

Ellair rigole  pendant que Fu Shen sort de l'eau comme un chat trempé. Les rires comme ceux là sont rares, mais moins pour lui. Après tout, ils sont souvent à se battre et forcer ses rires sans le savoir, suffisamment complice pour se sentir à l'aise de prendre autant de place et d'attention.

Quand il revient à la charge, Ellair le laisse presque prendre le dessus, finissant sous l'eau à son tour. Ne rien voir en remontant, les cheveux couvrant la vue, et n'ayant que les vagues de l'ami pour se repérer et les dégager. Un coup dans l'eau pour riposter, grand sourire aux lèvres. Il essaie d'attraper ses poignets, en capture un et essaie de le tirer à nouveau à l'eau sans véritablement y arriver. Tire, pousse, impossiblement de véritablement avoir le dessus avec lui !
Ah, alors il le lâche, retient ce sourire qui commence à lui faire mal aux joues.

- Heureusement que t'as le gouter derrière toi, tu aurais perdu sinon!

Pendant qu'il observe entre ses propres mèches barrant sa vision, Ellair regard son ami se débattre avec les siennes. Il profite de dernières secondes dans l'eau, avant de se lever dans un maigre soupir. En passant, sa main vient ruiner tout le travail de Fu Shen; elle pousse ces longues mèches à nouveau sur son visage à nouveau, puis à son tour l'imite. Secoue la tête, espère mieux voir. Franche défaite.
Ellair abandonne, sort de l'eau et s'approche de la nourriture. Instinctivement, un fruit est pris, puis son regard s'arrête sur les gâteaux qu'il ne reconnait pas. Fruit immédiatement redéposé, tandis qu'il en inspecte un, fronçant légèrement les sourcils.
Range enfin les cheveux barrant son front, pour mieux voir.

- Fu Shen, t'as déjà vu ça ?

Des pâtisseries orientales.
Il prend un de ces carrés recouvert de blanc, le tend au compagnon.
Qu'il goutte d'abord, tiens !

Aux menaces, il ricane.
Cela lui ferait trop plaisir, mais non; il survivra

Ellair le regarde se saisir du dit loukoum. Hausse un sourcil quand il prétend pouvoir en faire. Un autre talent ? La cuisine, lui ? Et quoi, c'est un homme à marier et personne le lui a dit ?
Entre les massages et la cuisine, le talent au combat...

- Un autre de tes talents, uh...

Fu Shen déguste, et visiblement, c'est bon.
Alors à son tour, il s'en saisit. L'inspecte encore, sent l'odeur du cube, avant de prendre une petite bouchée doucement. Comme s'ils ne s'étaient pas battu dans l'eau, plutôt  comme s'il ne voulait pas casser la pâtisserie.
C'est sucré, le goût lui rappelle quelque chose, l'épée ne saurait dire quoi. L'odeur lui plait. Plus en confiance, il continue de le manger.

Vient ensuite le café, que Fu shen lui propose.
Ellair acquiesce alors, s'approche et prend la tasse sans se faire attendre. Le café, c'est tout ce dont il a besoin. Un léger sourire apparait au coin de ses lèvres : eux deux, loin de la salle d'entrainement, à profiter de plaisirs simples et humains. Est ce que Mens le regarde de haut ? Est ce que c'est Mens qui lui a permis cette pause ? Il n'y a que les cicatrices sur les corps usés qui rappelle leur devoir, sinon, ce serait comme si leur vie était tranquille.

- Hm ! C'est fort, c'est spécial ?

Autre chose que le café qu'il se prépare.
Une autre gorgée, intense, légers hochements de têtes satisfait.
Ellair découvre les plaisirs de la détente.

- Tu fais ça aussi ?

Fu Shen, bientôt masseur et cuisinier personnel.

Et il imagine un hammam, pour les épées.
Là bas, au complexe Regeneratio.
Pour mieux combattre, la belle excuse. Ah, ce serait bien. Il y vivrait surement.
Ellair pose sa tasse, profite d'un autre loukoum. Le dernier, il se dit, car Mens est dans la retenue.

- Hate de gouter les tiens.

Dit il avec de la provocation dans le regard, celui planté dans le tiens, mangeant le loukoum tranquillement.

Un regard au café, puis à Fu Shen.

- C'est une préparation chinoise ?

Conclusion trop hâtive, mais cela le surprend de justement ne pas en avoir entendu parler quand Maria le lui aurait appris à coup sûr. Puis, à ses conseils, Ellair réessaie. Il aspire le café doucement. Et finalement, ce n'est pas si mal d'avoir survécu jusqu'ici pour ce moment.

- Hm.

Un son juste pour bien signalé qu'il l'a entendu.
Ellair prend le temps d'y réfléchir, tasse toujours en main. Il en profite pour s'asseoir, observer les autres collations sur le plateau.

- Comme d'habitude. Peut être.

S'entrainer jusqu'à ce que la nuit tombe. Ainsi, il pouvait rester aux cotés de l'acolyte malgré son handicap, pouvoir prétendre être un preux guerrier et ne connaitre que peu de défaites, vaincre au nom de Mens.

- Ou finir mon livre. Après m'être un peu entrainé. Et aller en chercher un nouveau, j'en ai bientôt plus.

Il pose sa tasse, et s'empare d'une pomme. Ses yeux se posent finalement sur Fu Shen. Après quelques secondes, ils suivent les zigzags de ses mèches trempées, s'y font solidement accrochés, pendant que ses pensées l'emmènent ailleurs ; sa traque traine, et le vesperis ayant tué ses soeurs est toujours introuvable.
Ellair se réveille quelques secondes après, se redresse et se racle la gorge.

- Et toi ? De la cuisine ?

Un crocs dans la pomme, l'observant en attendant sagement la réponse.