Il n'y a pas de remède
dans les yeux d'Andromède

Il fallait faire présomption que personne ne souffrirait de son départ. Car au creu de son insouciance avait germé une ignoble peur; au delà de la sienne (la crainte de son propre trépas), car il avait réalisé qu’une fois qu’elle arriverait il n’y aurait plus rien à craindre pour lui : Aster n’y croit pas une seule seconde qu’après ce monde il y en avait un autre. Il n’y aurait plus que le néant, l’extinction de sa conscience, la fin, finalement de cette même peur qui le dévorait.
Il ne demeurerait alors plus que ceux pour qui il manquerait. Et égoïstement, ce n’était pas son problème, après tout, il serait mort, plus rien et nada. Mais malgré son insouciance, il y avait Faye qui demeurait; Faye qui ne cessait de parler d’un futur et d’un avenir qui lui laissait un goût rance et amer dans le gosier.

Son pas est vif, quoique nonchalant par habitude, il arrive peut-être après cinq ou dix minutes de retard au lieu convenu. Aster ne s’excuse pas, il préfère toujours répondre avec un ton mielleux et manquant de zèle . “Je ne savais pas que j’avais donné un rendez-vous à une princesse qui ne connaissait point la patience”. Il s’esclaffe et fleurit entre ses lèvres un sourire. “S’il y a bien une chose dont je peux prétendre être certain c’est que tu n’es pas fragile et encore moins frêle.” Un rire gras éclate. Il est gargantuesque, prosaïque par le manque de grâce et la réalité qui reprenait tous ses sens sous les feux croisés du regard de Faye, demoiselle un peu trop curieuse.

La mascarade prend un tout autre sens lorsqu’il vocifère, impérial et exagéré “aujourd’hui j’ai pris une grande résolution !” De grands gestes articulent ses paroles puis il poursuit.  “Un collègue m’a un jour évoqué qu’il était important pour chaque personne d’avoir une bucket-list, et la première chose de la mienne….c’est commettre une infraction !” son doigt voltige de gauche à droite avant de finalement pointer la Byrd “tu devrais être honorée d’être choisie pour m’accompagner dans cette grande épopée !”  il saisit alors l’un des aérosols qu’elle avait apportés. “et quoi de mieux que refaire la peinture d’une personne qui vole ma place de parking depuis plus de deux semaines.”

Il n'y a pas de remède
dans les yeux d'Andromède

“bien sûr que non mademoiselle Byrd !” il gonfle son torse d’une fierté disproportionnée “votre oncle est un personnage exemplaire.” S’ils n’étaient pas liés par le sang, pour Aster ça l'importait peu, il n’y aurait jamais cru auparavant qu’il arriverait à s’attacher à une autre personne. Lui qui savait que son temps était compté, il s’était toujours convaincu qu’il vivrait chaque jour comme si c’était son dernier. Et pourtant, le voilà en plus de compter ses jours d’être troublé de l’après. Des “comment” et des “pourquoi”, des peurs de ne pas pouvoir être là maintenant qu’elle était habituée à son existence.

“Suivez-moi Dame Faye” il s’incline un peu trop, à en frôler le ridicule tandis qu’il se mettait en marche vers le parking souterrain à quelques dizaines de mètres d’ici. Il s’offusque aussitôt en pointant du doigt l’ignoble carcasse métallique “je paye cette place tous les mois !” il s’explique davantage. “et il ose monopoliser cette place gratuitement.” Aster se saisit du sac avant de trouver une bouteille de peinture jaune canari qu'il secoue immédiatement avant de la tendre à la plus jeune. Faussement chevalresque, il lui annonce : “je te laisse faire les honneurs.”

Il n'y a pas de remède
dans les yeux d'Andromède

Dans ma longue ô vie Faye, j'en ai bien appris une chose aujourd'hui. il pointe du doigt la voiture coupable C'est que parfois semblerait-il qu'il faille se faire justice soi-même. Il ricane, s'amuse presque de l'insolence propre de ses mots. S'ils étaient de terribles idées, ils demeuraient des convictions aux yeux du plus âgé. Après tout, c'était lui la justice proclamée. Personne ne lui dira qu'il a tord, même pas Mens.

ça fait des semaines que je lui mets des messages sur le pare-brise je te jure ! Il pointe alors les nombreux prospectus de pubs et quelques flyers qui s'étaient entassés, presque abasourdi en réalisant l'épaisseur des papiers superposés. Un agacement profond s'entendait, mais sous toutes ces ondes néfastes surgissait un amusement enfantin. Se faire justice soi-même était bien plaisant. Il en riait déjà.

Aucune pitié ! Il admire l'œuvre qui se dessinait déjà. Puis il s'écrit à peine la première frappe tirée. Incroyable t'es une véritable artiste en fait, faisons un gros soleil tu as raison, ça lui apprendre à ne jamais se montrer quand il fait jour ! Le regen obéit sagement et prends alors une bouteille blanche. Le temps de la secouer il réfléchit à l'apparence du propriétaire qu'il n'avait eu l'occasion de voir qu'une seule fois de loin; à vrai dire la première fois qu'il avait garé l'engin. Ah tu sais, il avait un smoking rouge. Le genre de truc vachement craignos. En plus d'être tout maigrichon. Il contracte son biceps pour ponctuer l'insulte. Du coup j'ai pas peur des répercussions, il va me faire quoi l'autre bouffon s'il est pas capable de garer correctement sa voiture??? Il trace un magnifique soleil et en dessous un stick-man très rustre. Bref, je suis pas un artiste, mais ça fait un bien fou en tout cas. Je rêverai de voir sa tronche quand il verra notre oeuvre.