Hadrian sort tout juste du bureau de l'administration.
C'en était trop. Hadrian ne tolèrera plus son manque de respect envers le professeur, ni même qu'il interrompe son cours. Il ne le veut plus dans sa classe, mais accepte qu'il passe les examens malgré tout. Après, ce n'est pas sa décision.
Et peut être même qu'Amadis sera appelé, pour raconter sa version des faits. Et ça, Hadrian ne voulait même pas y penser.

Hadrian retourne dans les couloirs moroses, encore énervé de son dernier cours de la journée, quand il aperçoit sa nièce à l'opposé. Le pas ralenti tandis que les rires de ses étudiants lui reviennent en mémoire à la remarque d'Amadis. Quelle enflure. Parler ainsi d'une étudiante, parle comme ça de sa nièce, quand il est obligé de rester cordial s'il veut garder son travail !
Une raison plus que valable de vouloir la voir loin de cet imbécile.
Alors l'oncle s'approche, relevant la tête. Tassant la colère un peu plus au fond de son être, même si elle pèse encore sur ses sourcils et son dos.

- Faye !

Un maigre sourire offert.
Hadrian n'arrive pas à faire mieux.
Il est si fatigué.

- Tu as un peu de temps ? Je dois te parler d'Amadis...

Le fameux ex.

Elle riait, car sinon elle s’étouffait; entourée par des filles et des mecs aux visages à moitié dilués par ton désintérêt.
Puis elle vit l’oncle, l’oncle aux traits tirés et à l’air dévasté. Et elle lui sourit doucement, écarta ses doigts pour le saluer avant qu’il ne l’arrêta.

-Oui bien sûr ?

Adressant un au revoir aussi vague que discourtois; elle restait aux côtés de son oncle, penchée dans le soucieux intêret de savoir ce qui pouvait bien le marquer ainsi.

-Amadis ?

Le nom prononcé par sa voix lui paraissait presque étrange relique d’un passé pour elle et d’un présent trop proche à son goût désormais. Croisant les bras sous sa poitrine, elle serrait les lèvres, affichant une petite moue sans approbation.

-Qu’est qu’il se passe ENCORE avec Amadis ?

Le encore sonnait agacé, l’était sans nulle doute. Faye se rappelait bien qu’Hadrian n’avait pas été de ceux encourageant ses amours futiles d’une adolescente bientôt éteinte. Déjà sur la défensive, Faye craignait encore les reproches.

Bien sûr, parler d’amadis est moins simple que prévu.
Elle l’avait aimé, lui ne l’aimait pas, à l’époque. Aujourd’hui, il le déteste. Faye allait le détester lui pour en parler à nouveau.
Silence alors qu’il hésite.
Pourquoi se mêler de ses relations ?
Les visages de la famille qui apparaissent en esprit, le passé qui s’inquiète pour le futur. Pour elle, pour lui aussi. Que deviendrait la lignée Byrd si on n’y faisait pas attention ? Et il sait que ce poids pèse également sur ses épaules.

Mais elle mérite quelqu’un qui en parle bien.
La colère lui revient tandis qu’il se moque ouvertement d’elle en classe. Un coup d’oeil pour vérifier qu’ils sont seuls.

- Pour faire court, il t’a mentionné en classe aujourd’hui. Une blague graveleuse, irrespectueuse même, en plein cours.

Juste pour le provoquer lui, car le descendre publiquement ne suffisait pas.
Ses bras se croisent à son tour, ose observer l’agacement sur le visage de sa nièce.

- tu le fréquentes encore ?

Le ton est inquiet.
Le regard aussi, et le souffle est retenu, hadrian attend sa colère pour encore se meler de ses affaires. Mais elle merite un copain respectueux, tant pis si c’est un péon ! Juste pas Amadis, et son pauvre sens du respect.

C’est avec lenteur qu’elle clignait les yeux, respirant à la même vitesse pour saisir les implications de ce qu’il avançait. Hadrian paraissait sérieux avec son regard noirci et ses mains serrés et Faye reculait d’un pas.

Pensées troublées, fatigue accumulée le long de sa colonne vertébrale. Pourquoi Amadis n'avait que ça à foutre que de provoquer son professeur, son oncle à ELLE ?
Oh, elle le tuerai.
Elle le tuera et l'enterrera dans le jardin sous le cadavre du chien, il mérite que ça.

Mais c’est bras croisés qu’elle accueillit les mots de l’oncle, bras comme pour se défendre et nier en même temps.
Ce corps vierge a dû bien subir des pensées et réflexions graveleuses mais qu’Amadis le lance dans une salle emplie, à la figure de son dernier père.

-Putain. Il est vraiment con.

Ça sifflait entre ses lèvres.

-C’est pas comme ça que je voulais te l’annoncer, Tonton, vraiment, ça me fait chier que ça se passe comme ça.


Elle se frottait les boucles, chassant les rougeurs de son visage, l’air béat des amours encore jeunes plâtrés sur son visage.

-On s’est revus il y a genre 3 semaines ? Un peu par accident, tu vois. Basiquement, on s’est embrassés, je lui ai pas dis que je voulais qu’on se mette en couple ni quoi mais il s’est rien passé de plus, j’te jure ? Puis façon, c’est pas comme si ça pouvait te faire quelque chose. Je lui dirai de te lâcher la grappe, s’tuveux.

Elle parlait vite, colibri pour ne pas se faire arrêter en plein vol.

Oui, il l'est.
Hadrian se retient de le répéter haut et fort, avec beaucoup de conviction. Ces mots, de la bouche d'un professeur, entre ces murs ? Non, jamais.
Pourtant il en rêve.

Puis aux mots de sa nièce, Hadrian se fige.
Annoncer quoi ?
Oh, il redoute déjà le pire. Les lèvres resteront serrées pour ne pas lui couper l'herbe sous le pied. Et ses yeux détaille ces petits mouvements qui annoncent la terrible nouvelle. Les cheveux entortillonnés, le regard qui fuit, le rose aux joues qui revient, plus fort qu'elle...

- Faye...

Un soupir lui échappe.
La main passe sur son visage, tire les traits fatigués pendant qu'il cherche les mots justes.

- Amadis, vraiment ?

Et il se force à ne pas accepter l'offre immédiatement : Amadis se servirait de la demande de Faye pour le narguer, oh, il le sait que trop bien ! Ce serait juste une nouvelle entre les mains du gamin.

- J'ai bien compris que tu fais ce que tu veux, Faye, et c'est normal ! Enfin... Il y a d'autres choses à prendre en compte, on en parlera plus tard mais...

Il y a toujours cette proposition d'Earl Marshall dont il doit lui parler, mais cela pouvait attendre le repas de ce soir, peut être...
En attendant, Hadrian est juste inquiet, son regard le trahit quand il se pose sur elle, sa précieuse nièce, l'unique famille.

- La barre est basse. Tu pourrais trouver quelqu'un qui ne parle pas de toi comme ça ! Y en a des compliments à faire à ton propos, et c'est tout ce qu'il trouve à faire ?!

Ah.
Petite pause, comprenant qu'il s'emporte.
Hadrian souffle et détourne le regard, prend un léger recul pour laisser Faye respirer.

- Pardon.

C'est juste qu'elle mérite mieux, à ses yeux. elle mérite quelqu'un qui aurait le courage de la respecter et de la choyer devant tout un auditoire, mais là, il est juste en colère, et les mots lui manquent.