On t’a suivi pendant des heures - pendant des nuits entières, où tu ne sembles jamais fatiguer. On te regarde d’en haut - de loin - sens-tu les fantômes qui rient à ta nuque ? Sens-tu le froid grimper le long de ta colonne vertébrale ? Ton nom on ne veut même pas l’invoquer - devant Mère et Darcy, il semble maudit, les visages s’affaissent, se crispent, lorsque “Gabriel” est articulé.

Qu’est-ce donc qui fait de toi quelqu’un d’adoré ?
Qu’as-tu de plus, qu’as-tu de moins ?
Ton corps n’est plus si fragile - que t’a-t-on fait ?

Les trains passent au travers ; tu n’en prends aucun.
On est resté une éternité à te regarder sur ce banc.
Que t’arrive-t-il, Gabriel ?

Les fantômes autour me parlent ;
On les fait taire - ils s’écartent dans des ricanements - les fantômes m’aiment bien. Et toi, Gabriel ? Parles-tu aux morts comme tu parles aux vivants ?
Dis-moi qui tu es ; dis-moi qui tu es ; dis-moi pourquoi tu serais plus spécial que moi ?

On avance - la distance est raisonnable - nous permettrait de fuir ; comme Mère a choisi pour moi la survie plutôt que le courage, on se veut lâche.

Gabriel Callahan.

C’est la première fois qu’on s’approche si près ;
La première fois qu’on te parle depuis que tu es parti, depuis que tu es quelqu’un de plus grand, dont l’âme fait trembler la mienne (existe-t-elle encore au-dedans ?)

Je ne veux pas me battre.

Le regard est grand ouvert ; il n’y a pas grande foule sur le quai.
On ne veut pas se battre car on ne veut pas mourir, mais il vaut mieux ne pas le dire.