Où gisent les réponses

février 2024 -- Astwood Cemetery --  feat   @Charlie Perkins

Carmina n’avait jamais méprisé les humains, bien au contraire. Ils la fascinaient sincèrement. Elle les jalousait même parfois, prête à échanger ses dons, son immortalité pour pouvoir à nouveau vivre au grand jour, insouciante, comme eux. Ses proches diraient que c’était parce qu’elle avait gardé cette humanité en elle, et ils n’auraient pas pu moins se tromper. C’était une explication fort logique, bien qu’encore très nébuleuse, même pour la médecine moderne. Mais elle était convaincante lorsque l’on comparait des vesperis du même âge que Carmina et qui, eux, s’étaient détachés de beaucoup de préoccupations fondamentalement humaines.
Elle ne méprisait pas sa vie de vesperis non plus, cela-dit, car elle avait été plus que riche en découvertes et en rencontres. Mais quand elle se mêlait à ces êtres infiniment plus jeunes et fragiles qu’elle, elle ne pouvait s'empêcher de songer à tout ça, et de ne pas se sentir totalement à sa place.

Sa fascination ne faisait pas d’elle quelqu’un de naïf, cependant, et elle ne manquait pas de prudence lorsqu’elle marchait parmi les homines, à Arkham ou ailleurs. D’abord parce que la prudence avait toujours fait partie de son quotidien, on ne remerciera jamais Regeneratio sur ce point, et qu’aujourd’hui, un nombre conséquent de personnes lui en voudrait pour toujours de se mettre en danger.
Mais Charlie Perkins avait la mention “approuvé par Mimosa” et même si la jeunesse de sa comparse pouvait évidemment lui jouer des tours, la rencontre avec cet ami de chair et de sang s’était agréablement faite et ainsi, la jeune femme centenaire s’était également prise d’affection pour lui. D’autant que Carmina ne pouvait que comprendre le besoin de Mimosa de garder un contact avec ce qu’elle avait perdu il y avait encore trop peu de temps.

Aussi, à la réception du message de Charlie et sa demande de discrétion, Carmina répondit par la positive. Un simple “Je serais là.”, pour ne pas le laisser seul, car nul doute que quelque chose clochait, si Mimosa n’était pas la première à avoir été appelée. Mais cela, la vesperis aviserait lorsqu’ils seraient face à face.

- Un choix surprenant pour une rencontre, mais tu as raison, cet endroit est reposant.

Elle était apparue sans bruit au beau milieu de l’allée bordée de tombes silencieuses, à l’état varié et variable, entre ceux qui ont été oubliés, et ceux que l’on pleurait encore.
Vêtue comme un être encore vivant se serait habillé par une nuit froide de fin d’hiver, Carmina restait immobile, les mains croisées devant elle, et le regard posé sur Charlie qu’elle avait retrouvé sans mal parmi le marbre et le silence.
Elle avait attendu quelques instants pour l’observer de loin, guetter une autre présence, avant de se montrer. La prudence était une habitude tenace.

- Tu as l’air épuisé, et agité. Je n’ai rien dit à Mimosa pour ne pas l’inquiéter mais quoi qu’il se passe, elle appréciera sûrement ton honnêteté quand tu te sentiras prêt.

Pouvait-on reprocher à presque 500 ans d’âge d’agir comme une ancienne, sage.

- Que se passe-t-il Charlie ?

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Où gisent les réponses

février 2024 -- Astwood Cemetery --  feat   @Charlie Perkins

Sur le visage de poupée de Carmina, figé dans un âge qu’elle n’a plus, un sourire restait collé sur ses lèvres maquillées. Dans un premier lieu, il voulait dire “Désolée de t’avoir surpris”, car le sursaut de Charlie ne lui avait pas échappé. Ensuite, il murmura sans mot “Vas-y parle, je t’écoute.”. Car ça non plus, ça ne pouvait pas échapper aux yeux perçants de la vesperis âgée de presque 500 ans. Les humains devaient parfois trouver ça frustrant, lorsqu’ils avaient le temps de fréquenter des vesperis civilisés, de ne pas pouvoir masquer ce qu’ils pouvaient garder cacher aux yeux de leur propre espèce.
Mais Carmina n’était pas là pour faire semblant de ne rien voir. Au contraire. Et si Charlie l’avait appelé elle, c’est qu’il en était conscient, et qu’au fond de lui, il était prêt à entendre des paroles sensées dénuées de tout enrobage infantilisant.

Cependant, elle ne l’obligerait à rien. La Mascarade lui avait appris à observer sans intervenir dans le libre arbitre de chacun, comme une main invisible qui disparaissait à la moindre résistance. Car elle n’était pas là pour imposer vision ou chemin que Charlie ne voudrait peut-être pas prendre.
Aussi, hocha-t-elle simplement la tête en ce qui concernait Mimosa, et en lui faisant signe de livrer ce qu’il avait sur le cœur et qui semblait peser sur tout son être.

Carmina écoutait, silencieuse. Elle observait l’anxiété qui marquait les traits du jeune homme, et qui donnait à sa voix des nuances tremblantes impossibles à dissimuler. Elle comprenait pourquoi il l’avait appelée elle, même si elle n’avait pas forcément les réponses. Et aux vues de ce qu’il lui racontait, il était clair qu’elle ne les aurait pas dans l’immédiat.

- Marchons, Charlie, on se sent mieux quand on est en mouvement. Viens.

Peu importait l’endroit. Et il avait besoin de se sentir mieux.  
Elle lui fit signe de prendre place à ses côtés pour faire quelques pas entre les tombes et les mausolées. Sur son visage, la réflexion était peinte par un air légèrement soucieux mais concentré.

- Solphim tu dis ? Ce nom ne me dit absolument rien mais des recherches ne sont pas inenvisageables. Elles seraient tout de même plus simples avec un nom de famille ? Mais j’imagine qu’il ne te l’a pas donné.

Elle ne savait pas si elle devait révéler ce que tout ceci évoquait à ses yeux. Car la situation de Charlie, aussi particulière qu’elle soit, n’était pas sans faire écho aux phénomènes étranges qui semblaient toucher certains vesperis. Elle, notamment. Et beaucoup d’autres.

- Que voulait cette enquêtrice ? Que t’a-t-elle demandé exactement sur cet homme ?

La marche ne s’était pas interrompue. Carmina n’était surprise que par le fait qu’un humain soit aussi sollicité par d’étranges phénomènes, en miroir avec les phénomènes de sa propre espèce.

- Un fantôme… de Salem… Et que t’a-t-il dit lui aussi ?

Lorsqu’elle se rend compte de l’absurdité de sa phrase pour les oreilles de Charlie, elle reprend avec un sourire qui se voulait rassurant.

- Excuse moi, j’ai l’air peut-être de ne pas réagir à la hauteur de ton inquiétude mais ma nature m’a fait prendre conscience de l’existence de beaucoup de choses... Mais je comprends que tu sois perdu évidemment. Dis m’en plus Charlie je t’en prie.

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