In search of better selves

Après le premier vînt la seconde. Andrea ne perd pas de temps ; il le prendrait plus tard, lorsque les urgences seront moindres, et quand les informations seront extraites. Quand il sera temps de décortiquer, de faire des liens, de reculer d'un cran.
En attendant, il rentre sans ménagement dans la salle, remplie des premières aides qui t'ont déjà examinées. Andrea ne dit pas bonjour, tout comme il ne dit pas au revoir, dans sa perpétuelle recherche de l'optimisation ; il se dirige au lavabo, se lave les mains, les poignets, s'essuie, remet des gants. Il ne craint rien vraiment de Colombe ; il préfère simplement être prudent. Il se place devant toi, et on lui parle de tes constantes vitales -de tes réflexes, de tes pupilles, de ces choses qui disent que tu n'es pas en danger de mort mais que tu ne vas pas vraiment bien. Il te regarde, de ses yeux froids, digne d'une machine qui te scanne. Ce n'est pas de ta faute : il a déjà donné trop d'émotions à celui avant toi.
Merci bien. Vous pouvez disposer. La foule s'en va. Le schéma se répète. Le cycle aura encore lieu une fois, plus tard (Fu Shen) ; Andrea se demande s'il ne devrait pas un peu le secouer maintenant. Face à toi, il remonte ses yeux jusqu'aux tiens, te regardant à nouveau comme une personne. Amadis va bien. C'était vrai, fondamentalement. Son corps était fonctionnel, et son esprit -ah, Andrea n'était pas très fort là-dessus, mais il était certain que le Bâteleur s'en remettrai. Après tout, il avait des soutiens bien plus aptes à l'aider là-dessus qu'Andrea et son inhabileté à étouffer les possibilités. Peut-être en faisais-tu partie. Peut-être était-ce une bonne chose, que de discuter entre survivant-es. Peut-être que cet instant vous liera pour le reste de votre vie, ou alors vous éloignera pour toujours.
Ce n'était pas vraiment de son ressort.
Je vois que l'on a bien traité vos coupures. Ce n'était que du verre brisé, des égratignures, des saignements superficiels. Andrea savait cependant qu'une seule goutte était assez pour un sacrifice. Avez-vous une douleur physique à me signaler ? Il dit cela en approchant ses mains gantées de ta tête, s'arrêtant juste avant de toucher pour que tu comprennes qu'il allait le faire. Ses doigts appuient à peine sur le haut des vertèbres, de derrière les mâchoires jusqu'au début du dos (C1 à C7). Mh. Il sent la tension.

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A la suite de ton indication, les mains d'Andrea reviennent sur le devant de ton cou -il sent, délicatement, le cartillage de la trachée et de la thyroïde. Ses gestes sont doux, voulus comme relaxants. Ses gants bruissent doucement entre eux lors du palpage. Je vois, suite à vos crachats de sang. Cela paraît normal. Nous vous mettrons à disposition une brosse à dent, de l'eau et un bain de bouche dès cette entrevue terminée. Solution trouvée. Prochain sujet.
Ses mains reviennent contre ses cuisses. Il n'y a plus rien à toucher et alors, cela dépasse sa spécialisation. Il devrait vraiment lire ce livre sur les relations humaines que Cassandre lui a offert. Et l'autre, qu'Aciano lui a conseillé. Ah, et le troisième, que Leon a "oublié" sur son bureau.
Il se reconcentre immédiatement à la mention du nombre trois. Ses hypothèses étaient désormais avancées mais incomplètes, et surtout improuvées. Il ne s'attendait pas à un élément nouveau de si tôt. Pouvez-vous être plus précise sur ces voix ? Leurs tons, leurs provenances supposées, vos impressions quant à elles ? Précisez également leurs directives, s'il vous plaît. Andrea ne s'attendait pas à ce que tu saches redire leurs discours mots pour mots -ce n'était pas ta faute, tu n'étais qu'Epée malgré ton sens du détail et tes envies de bien faire. Pensez-vous que votre corps a agit seul de par l'urgence de la situation et de votre entraînement, ou bien par action extérieure ? Es-tu maître de toi-même, Colombe ? Sera-tu honnête si ce n'est pas le cas, Colombe ? Veux-tu vraiment encore mentir, Colombe ? Lui, il ne doute pas de toi.

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Trois, alors : une dedans, une dessous, une à l'intérieur. Dans l'immédiateté, cela confirme encore ce qu'Andrea suppose déjà : la 3ème chose est la voix sous l'église. Dans les deux autres, on pourrait conclure rapidement que la voix dans ta tête serait celle de Mens, ou d'un Arcane, mais cela serait précipité. Tout comme la qualification des mots venant de sous l'Eglise : pourquoi avoir peur pour toi, alors même que la chose là-dessous avait peur d'Amadis ?
Il faut garder en tête les biais, personnels et venant de la situation de stress.
Trois voix, donc. Le même discours. Pourquoi les différencier alors ? Sous quel contexte les trois choses pouvaient travailler ensemble ? Les trois voix distinctes vous indiquaient donc la même démarche. Il le redit pour que tu valides, pour que tu aies peut-être d'autres choses à dire.
Andrea avait été briefé sur ta vie entière au moment même où l'urgence lui était remontée. Ta déclaration ne le choque aucunement. A vrai dire, rien ne change sur son visage ; son corps ne bouge pas, à part son buste qui se gonfle et se dégonfle, preuve de sa respiration (et de rien de plus). Vous le savez mort. Il le dit pour t'indiquer que l'on ne peut sauver un mort. Il n'a rien de plus à dire sur le sujet ; c'est une chose qu'il donne, dont il n'est pas certain, puisque tu n'en as rien dit. Il le dit comme le dossier le dit, comme la procédure le dit, comme le cimetière le dit. La vérité, il ne la connaît pas. La tienne, encore moins. Il se peut que ces voix aient usé d'un stratagème émotionnel pour vous faire partir. La manipulation n'était pas à exclure. Malgré les différentes origines, les différentes fréquences, il se peut que toutes viennent de la même source.
Finalement, cette entrevue ne l'aide pas. Avez-vous une idée de ce qui vous menaçait, assez pour que les voix vous disent de fuir ? Une dernière vérification.

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La guerre se nourrit d'elle-même.
On avait créé bien d'autres expressions pour expliquer les cycles presque inhérents à la nature humaine ; l'Ordre en était une preuve de plus, sinon celle par excellence, dans sa virtuelle éternité. Mais dans les batailles où coulaient normalement le sang jusqu'à n'en plus pouvoir, le carmin manquait : soit absent, soit bu, soit gâché. Andrea vivait avec la satisfaisante connaissance que son être ne servirait jamais à subvenir à la soif des bêtes qu'il chassait, tout en ne pouvant s'empêcher de pleurer l'hémoglobine qui se mêle à la boue quand il en aurait tant besoin en salle d'opération.
Alors, quand tu parles de l'église comme d'une bouche, d'un estomac peut-être, cela lui paraît encore d'une évidence limpide. Ce qui est sous l'église n'est pas Vesperis. Cela ne peut l'être, sinon ton sang le tuerait, et celui d'Amadis. C'est autre chose.
C'est autre chose. Une menace pour les Arcanes, qui jusqu'ici n'étaient propres qu'à leurs porteurs ; une menace pour les humain-es, qui ne savent même pas ce qui leur arrive ; une menace pour les vesperis -de cela il n'en était pas certain.
Ses yeux se brouillent. Il réfléchit en même temps qu'il t'écoute. Lui aussi, il t'absorbe -tes mots, le ton de ceux-là, tes pauses. Comme un sacrifice ? Un don à la terre. A la bête. A la guerre.