Bientôt rentré chez soi.
Revenu en boitant, le visage en piteux état, la lèvre fendue. La mauvaise habitude de venir y gouter et de regretter; ça pique. Ellair se demande si ce n'était pas pire que cela encore. Peut etre la tempe aussi est touchée, il sent déjà les ecchymoses s'étendre sous sa peau.
L'adrénaline le tiens encore debout.
Les passants ont l'air horrifiés, mais Ellair ne s'arrête pas.
Le rapport attendra. L'épée n'avait pas assez de force pour le faire à Regeneratio, il était parti plus tot, il avait besoin d'une sieste, le seul vrai remède à ses maux. Parce qu'il imagine que ce n'est pas bien grave, parce qu'il ne sent pas les plaies sous la veste, a oublié les griffes vesperis et les lames. Il ne sent rien, encore grisé par la violence.

A quelques pas de sa porte, Anat Castiglione.
Ellair s'arrête et s'apprête à faire demi tour. Avant de croiser son regard.
Piégé.
Il aurait pris une grande inspiration, si cela ne lui infligeait pas une douleur vive. Et il attend, immobile, à à peine trois ou cinq mètres d'elle, sans trouver d'excuse ou d'issue.

- Je vais bien.

Dit l'épée en piteux état, qui essaie de ne pas boiter jusqu'à sa porte et chercher ses clés. Prétendre pouvoir se tenir droit et respirer normalement. Ah, peut être bien qu'il est en pire état qu'il ne se l'admettait lui même... Il évite son regard, son jugement.
Surtout avec ses mains endolories. Elles peinent à introduire la clé dans la serrure. La brute soupire, comme un aveu.
Et il lui tend la clé, pour qu'elle l'aide.

À être parfaitement honnête,
Anat se souciait sans doute trop. Cela débordait de son âme, noyant les affres de sa raison et pourtant, elle ne pouvait cesser d’essayer. Le mot lui était parvenu, de bouche à oreille, ces traînées poudreuses des informations.
Oh, il n’y a rien qu’elle ne puisse pas savoir, rien qu’elle ne puisse pas dénicher de ses longs doigts dispersés aux quatres vents.

C’était sans peine qu’elle a appris qu’Ellair s’était encore blessé, sans peine qu’elle ferma ordinateurs et confia filles à Fu Shen.

Derrière la porte
(une trousse)
(une trousse faite pour soigner Ellair)
(une trousse faite pour recoudre Ellair.)

À grands pas et inspirations contenues qu’elle arrivait devant le domicile d’Ellair, elle savait fendre la foule aisément.

Il vint! Ô piteux chien, à la mine détruite et aux membres visiblement contorsionnés, au sang séché sur les arcades sourcilières, et ses yeux à elle se plissèrent, le dévisagèrent sans grâce.

Colère mêlée à l’angoisse, patiemment à attendre qu’il déglutit cet amas de mots pour justifier un comportement aussi stupide qu’irraisonné. Anat prit la clé, l'inséra dans la porte pour entrouvrir la porte.

Il n’eut nul mot à dire que déjà elle avait glissé son bras sur son épaule et que de sa force altière, elle le tenait, forçait ses bas.

-Je veux même pas connaître tes bobards cette fois-çi. T’as fais quoi encore?

Le ton se faisait impératif, elle le portait que très sincèrement dans ses bras pour le forcer à s’asseoir sur le canapé trop abîmé à ses yeux.

-Tu vas me rendre dingue avant mes gosses, Ellair.

C'est le visage sévère qui l'accueille. Il le savait. Il aurait du lui dire, il avait évité d'inquiéter du monde en renter, cela n'avait pas suffit.
Ellair n'avait plus la force pour l'empêcher de l'aider. A vrai dire, il réalisait seulement qu'il en avait bien besoin.

- Je traquais un vesperis...

Celui qui tue les filles de Maria, ou celui qui a volé son oeil. Ce n'était pas le bon, et il n'avait aucune information.
Ellair grimace quand il doit s'asseoir sur le canapé, souffle entre ses dents et libère Anat de son bras.

- J'étais seul, je l'ai sous estimé.

Je ne voulais pas t'inquiéter, mais les mots restent coincés.
Ellair aurait dû demander de l'aide à Fu Sheng.
Il a ses limites, et parfois, il oublie.
Puis, la remarque lui arrache un léger rire; il sera puni immédiatement par une douleur au torse, finira en grimace rapidement.
Ah, forcément, Anat allait s'inquiéter...

- Je suis désolé.

C'était sincère.
Son visage habituellement joyeux et doux est trop sévère, les yeux pleins de colère et qu'inquiétude; par sa faute. C'est tout le contraire de ce qu'il voulait. Le grande blessé décidé d'enfin affronter son regard, cherchant un moyen de faire passer ces grimaces, en vain.
Il a merdé.
Et il n'a qu'un regard penaud
Alors, il se redresse légèrement, grogne en tentant de retirer sa veste. Remarque enfin la trousse de secours. Son regard lui revient, plein de questions. Ellair ignorait qu'elle avait des notions de soins !
Mais soit. Il enchaine, essaie d'apaiser Anat, changer de sujet.

- Qui s'en occupe ?

Les deux filles, où sont elles quand leur mère vient prendre soin d'une cause perdue telle que lui ?

Il traquait à la Vesperis
Ah! À la bonne heure!
Elle devrait lui pardonner alors n’est-il pas ? Ses poings enfoncés dans ses hanches, elle secouait lentement la tête, le visage contrarié mais les mots que trop nombreux pour décrire ce qu’elle pensait, pour ne pas hurler ses pensées.
Étaient-ils tous destinés à mourir aussi stupidement? Ellair ne devait pas être ce feu fou, léchant le bois corrompu d’une gloire factice, à se nourrir d’un plaisir de puissance qui ne tiendra le temps que sa chair ne craque pas.

-Et on t’apprend quoi pendant tes années d’entraînement ? Dis moi Ellair, est ce que CHASSER LE VESPERIS SOLO ça fait partie des chapitres ?

Son pied tapotait le sol, l’agacement grimpait virulent le long de son cœur, à l’en faire vomir presque avant qu’elle ne se taise, le contempla avant d’aider ses gestes malhabiles à se déshabiller. Les yeux déconfits, elle retenait le dégoût et la pitié entre ses doigts sévères.

-Tu n’es pas désolé de l’avoir fait, tu es désolé d’avoir été pris.

Et d’un bras qu’elle savait plus fort que le sien, elle le soulevait lentement, portait ses pas plus qu’elle ne le soutenait pour le guider jusqu’à ce canapé sommaire qu’elle se promit de jeter dès qu’il aurait le regard braqué autre part. Lui indiquant de s’asseoir, elle ne fit aucune remarque sur sa réflexion, retirant compresse et désinfectant avant de regarder la profondeur de la plaie et d’extirper fil et aiguille.

-Chez quelqu’un de confiance, je t’en parlerai si t’es sage et que tu ne te plains pas.

Assise à ses côtés, elle lui offrait le courroux d’une personne trop inquiète.

-Tu vas devoir retenir ton souffle pendant quelque temps parce que bien que tu sembles apprécier la douleur, je ne veux pas perdre une aiguille dans ta chair, tu m’entends ?


Merci à Aciano de lui avoir appris les premiers soins.

La traque ne valait pas la colère d'Anat. Soutenir son regard agacé et déçu faisait plus mal que les crocs d'un vesperis déchirant la chair. Il baisse le regard, écoute les remontrances avec honte.

- Non...

Et surtout, se garde se justifier. Elle s'enflammerait d'avantage, ce n'est pas le moment. Il a vu une opportunité, les risques étaient calculés. Mais Ellair est mauvais en math, enfin... Il est encore vivant. Et il s'est amélioré, a palié l'oeil manquant de nouvelles techniques !
Mais elle avait raison. Et puis, sans Fu Shen, c'est moins efficace.

Désolé d'avoir été pris.
Légère moue : pas faux.

- Je ne...

Ca allait la mettre en colère s'il continuait. Un coup d'oeil pour vérifier si elle le fusille du regard, se ravise alors.

- Hm.

Il ne voulait pas l'inquiéter, revenir demain tout fringant et lui montrer que tout va bien. Mais à l'évidence, tout ne va pas bien. Alors il souffle, dans un soupire;

- Tu as raison...

bien vite, la grimace de la douleur.
Son oeil suit ses mains du regard, observe les compresses et le désinfectant. A le malheur de croiser son regard alors qu'elle lui somme d'être sage, contemple malgré tout sa colère. S'il n'en était pas sa faute, il l'admirerait plus longtemps.
Alors il acquiesce doucement. Inspire, sent que le corps n'est pas comme il devrait l'être; jusqu'ici il s'était retenu d'inspecter ses blessures. La tête est comme légère et lourde à la fois, le sang bat dans les tempes et l'assomme toujours un peu plus.

- Une aiguille ??

Oh oui, elle en a une entre les doigts. La main va pour se poser sur celle d'Anat, pour l'en empêcher; c'est instinctif. Mais la raison le rattrape, reprend alors sa main, lui laisse le champ libre. L'inquiétude est pourtant sur le visage.

- D'accord...

Il détourne le regard et déglutit. Ellair observe les cartons de meubles posés contre le murs, les mêmes arrivés ce matin, la commande d'Anat, pour lui.
Il devait lui en toucher deux mots.
Cela le touche d'ailleurs qu'elle se préoccupe autant de lui, mais des meubles ? C'était à chaque fois une nouvelle surprise ! Qu'en faire ? Il a déjà une lampe au plafond, pourquoi une autre, pour ne citer qu'un élément de déco.
Mais là, c'est l'aiguille qui occupe l'esprit.

- ... Tu as déjà fait ça, pas vrai ?

Il se ravisa, chiot terrible à la laisse trop longue et Anat soupirait, angoisse pressée dans son sein.

Elle n’aimait pas le savoir ainsi, à la merci des hommes et des vesperis, le sang et les tripes éparpillés pour le seul plaisir de l’outrage à la mort. Alors, d’une compression éternellement fraîche, elle repoussait le sang et la sueur de son front.

Regard apaisé, tendresse ignoble face à la colère qu’elle souhaitait cultiver, elle prit une respiration profonde et lui laissa cette légère compresse sur le front.

-Tu apprendras que j’ai toujours raison et quand j’ai tort…

Elle laissait fendre son sourire éclatant, celui d’un soleil ravi et affirmé face au monde.


-C’est que j’ai raison à la fin.

Mais avec douceur, elle commençait à nettoyer la plaie, ne laissait guère les tremblements et la faiblesse des muscles la déconcentrer, ne permettant pas à la peine de rendre ses gestes incertains et grossiers.

-Oui une aiguille, pour recoudre les tissus. Et pour que Mens accélère au mieux ta guérison. Parce que je ne sais pas ce que tu as foutu mais c’est profond.

La plaie ne saignait plus, cela signifiait que la plaie ne se voulait pas d’une profondeur si absolue qu’elle ne le craignait. Alors avec aisance, elle enfilait le fil dans le cha, le regardait allongé là et se mit à fredonner doucement, regarder sa main se mettre sur la sienne avant de repartir.

-Mets la sur mon dos si tu veux, tu pourras serrer ma veste si t’as mal.

Main qu’elle guidait sur son dos, pour qu’il ressente les vibrations de ces chants. Elle se penchait vers lui.

-Oui,je l’ai déjà fait sur des mannequins de suture.

Plusieurs fois, des résultats aléatoires mais le taff était fait alors doucement, elle fit rentrer la pointe de l’aiguille dans la chair.

Premier point, le plus délicat toujours.

C'est seulement en sentant la compresse sur son front que la brute réalise qu'elle s'était habitué au mal-être. Le soulagement lui semblait inconnu jusque là, l'inconfort était la norme. Alors, de sentir la fraicheur, ça soulage, et tiraille aussi. Le soupir lui échappe, les mots d'Anat pour le garder éveillé. Ravi de l'être pour être témoin de son premier sourire de la soirée.
A son tour, sourit. Les siens ne peuvent pas rivaliser avec leur éclat : c'est fatigué, mais réellement soulagé de voir qu'elle n'est plus en colère.

- Je me disais aussi.

C'est l'une des premières leçons qu'Ellair avait compris avec Anat. Sa volonté est faite, quoiqu'il arrive. A force, il n'osait la contrarier; pas par  crainte ni par facilité, mais bien parce qu'elle avait raison.
Sauf pour les meubles.
Mais il les garde.

La main dans son dos, il redoute. Ses doigts cherchent déjà à ne prendre que le tissu de la veste, a peur même de l'abimer -iil n'aura pas d'autres choix que de l'empoigner, vu ce qui l'attend.

- Ok...

Souffle, puis se redresse légèrement pour mieux s'installer, mieux laisser le champ libre pour le recoudre.

Et il prie dans sa tête, d'abord Mens, pour que ça passe vite, puis pour qu'Anat continue de fredonner tout du long, sans oser le lui demander. C'est là dessus qu'il se concentre, quand l'aiguille pénètre sa peau, lui arrachant un long râle. Il essaie de le contenir, serrant la mâchoire, serrant la veste, mais c'est douloureux. Sans l'adrénaline du combat, il fait moins le fier.
La vue troublée, à rien de perdre connaissance. L'épée se force à rester debout, s'accroche au chant, serre les dents pour les prochains passages de l'aiguille. Le buste forcé à rester droit pour ne pas la gêner. Il n'attend de pouvoir s'effondrer et reprendre des forces. La deuxième main profite de la compresse pour s'occuper, guider l'esprit ailleurs alors qu'Anat brode sa chair, lui arrachant des plaintes étouffées et autres grimaces.

- Dis...

Y a pas meilleur moment pour parler d'ikea alors qu'il lutte pour rester fort comme un homme et imperturbable malgré la douleur, non ?

- J'ai encore eu des livreurs ce mat-

Laisse un souffler siffler à travers sa grimaces aux crocs serrés. Il s'y faisait, mais celle là non ! Aussi douloureuse que la première, on pourrait presque croire que c'était fait pour le faire taire !