Tu veux tout sans rien accomplir pour y parvenir.

Puisqu’il faut qu’on se le dise, il s’en est passé dans une vie d’apparence pénible mais tu n’as jamais été responsable de grand chose.

Tes exploits sportifs, bon soldat dans la discipline scolaire.
Ta vie professionnelle, chaque fois kick-startée par ton mari.
Même s’il faut dire qu’il commençait à manquer d’amour.
Ta trop grande vigilance, un héritage immuable de ton père.

Il y a toujours eu des rêves plus fous en toi. T’aurais pu te relancer sur le terrain, lancer une entreprise mais il y a toujours cette peur profonde en toi qui t’a freiné.
T’es terre-à-terre. Il n’y a pas de place pour les rêves dans ce monde et tu t’accroches, au moins, à ce qui t’apporte ce que tu dis suffisant ; des petits plaisirs simples.

C’est si petit, ce que tu as là entre tes mains que c’est un jeu d’enfant de tout détruire.
C’est si fragile, ta vie. Une fois qu’on te l’a dérobé, te voilà détruit.

T’as jamais été très responsable tout court, au bout du compte. Sans ton confort, te voilà à faire n’importe quoi que même ton créateur serait incapable de rattraper tes erreurs ou de te faire une leçon. Même si d’apparence obéissant, tu ne retiens pas les leçons.

C’est à peine si tu comprends la transformation :
Affronter la lumière et échouer,
manger des kilos de denrées pour tout rejeter.
Ma parole, faudrait que tu captes que c’est la cervelle que tu dois manger pour développer la tienne. T’es pas si bête, tu as compris que tu es devenu ce monstre-là. Tu le nies, comme toute personne sensée. Tu préfères accepter ta mort que celle d’un·e autre, qu’importe soit-il. Hors de question d’avoir du sang (sur les mains).

Tous les cadavres d’animaux dans ton assiette, n’est-ce pas encore plus cruel d’en tuer des milliers pour une vie humaine ? Éternel insatisfait, tu ne comprends rien à rien. Rien ne te rassasie. Faut-il vraiment aller t’en voler jusqu’au reste de ton humanité pour que t’es un déclic ?

T’es jamais responsable de rien. Ce qui se passe sous tes yeux spectateurs, c’est ton corps qui réalise ces crimes impardonnables. Tu l’as maltraité. Lui-même ne sait pas ce qu’il doit faire pour s’en prendre au chien dont ta fille, en larmes, n’a pu qu’enterrer ce qu’il en restait.
Il ne reste plus d’humanité en toi, lorsque tu t’éveilles enfin. Un index entre tes canines, un corps qui n’en est plus un devant tes yeux qui ne voient plus.
Ils pleurent le monstre que tu es devenu.

Ils ne pleurent pas cette autre nuit. Tu n’es plus spectateur. Ce n’est pas la morsure qui a réellement mis fin à ta vie mais plutôt ce nouveau décor qu’on a agencé. La porte repeinte en carmin et la tête de ton époux, terrorisée par ce que tu es devenu et ce que à quoi tu l’as conduit. Alors Damian, c’est toujours pas de ta faute ?

C’est vrai que tu n’irais jamais jusqu’à voler sa vie. La vengeance des Carnis se mange cru, c'est la première chose à laquelle tu penses : Pour avoir laissé la Bête t’emporter et une chance d’emporter leur réputation avec. Mais non, c'est simplement de ta faute. Si seulement tu étais là pour le protéger, les protéger. Tu es responsable de tout ça, vilain garnement. Et cette fois, tu ne peux pas te défaire de toute la culpabilité qui s’empare de toi.

Il n’y a pas de représailles de ta part car tu risquerais trop cher. Puis de toute manière, envers qui ? L'entière communauté Vesperis ? Il faudrait être fou.
Tu l'es un peu, à te dire que toute manière, tu te fiches bien de ton existence. Elle pourrait s’arrêter ici que ça serait pareil. Tu n’as jamais rien gagné, de toute évidence. Ce que tu risques de perdre, en revanche, ce sont tes enfants. À cette pensée, le choix irréparable n’est pas envisageable.

Faible à ton confort désormais vétuste, ils ne représentent plus que ton dernier talon d’Achille. Ou la dernière force qui te pousserait peut-être enfin à agir.

L’ours qui rugit jusqu’à son dernier râle pour les protéger. Tant pis si tu perds ta dignité et ta vie dans un travail éreintant à l’usine, tant qu’elleux peuvent vivre.

Si t’as presque tout perdu, il n’y a donc plus à rien perdre.