Elle se regarde dans le miroir. Essayait de comprendre ce qui plaisait tant aux personnes de cette génération pour avoir les courbes qu'elle avait aujourd'hui. Devant le grand miroir, elle retouche son maquillage avec des gestes délicats, maîtrisés. C'était une des choses qu'elle appréciait le plus, à force de se réincarner au fur et à mesure des âges. Les femmes cherchaient toujours à être belles. Les techniques pour le rester et sublimer son visage ne cessaient de progresser, d'évoluer. Cela faisait parti de ses petits plaisirs, de peindre, poudrer, flouter, illuminer.

Couverte uniquement d'un peignoir en soie fine, les jambes croisées contre le siège en velours, l'odeur fleurie de son poudrier camoufle celle de cigarette, à moitié éteinte dans le cendrier sur la table de chevet. Elle fredonnait, un air qu'elle avait chanté dans une autre vie, pendant qu'elle ajustait les boucles de ses cheveux. Elle avait rendez-vous ce soir. La galanterie se perdait de plus en plus, mais les mœurs se libéraient. C'était si facile aujourd'hui, de trouver une victime. Il y avait ces applications de rencontre, qui facilitait la chasse. Elle était devenue difficile, avec le temps. Elle aimait ses hommes en pleine crise de la quarantaine, riches, ceux qui la couvriraient de cadeaux parce qu'ils savaient qu'ils n'avaient rien d'autre pour séduire une femme comme elle. Elle aimait encore plus qu'ils aient une femme et des enfants. Ils étaient toujours si rapides à quitter leur confort pour quelques minutes de folie, à tenter de rattraper une jeunesse perdue à jamais.

Parfois, elle se tournait vers des hommes plus jeunes. Ceux qui croyaient avoir le monde à leur pied, ceux qui louchaient sur ses courbes et la complimentait aux visages, et la dénigraient dans son dos. Ceux-là, elle les faisait ramper et bégayer, les laissant languir à la frontière entre l'humiliation et le plaisir. Elle leur apprenait le respect.

De temps à autres, elle se tournait vers les femmes. Elle préférait les chasser, les timorées qui remettaient en doute leur attirance envers le sexe opposé. Elle s'exaltait à les faire rougir, laisser leur imagination faire tout le travail avant de les cueillir entre ses bras. Elle était indéniablement plus douce avec les demoiselles. Ses victimes de choix étaient les mères célibataires, en mal d'amis et d'amour. Meryem prenait son temps avec elles. Insistait pour rencontrer les enfants. S'immisçait dans leurs vies avant de les quitter du jour au lendemain.

Son téléphone vibre. Son rendez-vous est venu la récupérer. Il est en avance, impatient. Elle sourit. Elle se lève et revêt rapidement de la lingerie propre et une robe épousant ses formes. Perchée sur ses talons aiguilles, elle enfile un manteau satiné et rejoint sa victime du soir.

TL;DR:

1928
Sienna Lauter fixe la photographie en noir et blanc qui est fixée sur le bord de son miroir, tandis que sa mère applique à poudrer son visage. La photo représente une élégante actrice, elle n'avait pas retenu son nom, mais elle savait qu'elle était très connue. Cette année serait la première où un concours de beauté pour enfants était organisé dans son village. Ils faisaient fureurs dans les grandes villes, et donnaient une excuse aux mères de foyer pour occuper leurs journées. Dans sa robe bouffante blanche, avec ses cheveux blonds et bouclés et ses grands yeux bleus, elle se démarque déjà. Cette année, elle finit troisième. « L'année prochaine, tu seras première. Il faut juste que tu perdes du poids et que tu danses mieux. Tu prendras des cours. », déclara sa mère. Un esprit de compétition doublé d'un narcissisme né chez l'enfant.
1936
Sutton Lauter fixe la caméra. Elle fait ses débuts dans le milieu du cinéma. Son agent lui donne un nouveau nom plus vendeur. « Sutton ». Il fait une blague salace avec son nom qui fait rire les autres hommes présents pour le casting. Sienna n'est pas si naïve, mais prétend l'être et rit avec eux. Après quelques rôles mineurs dans plusieurs productions, elle obtient enfin un second rôle où elle joue une jeune ingénue naïve dans une comédie romantique, celle que l'homme repousse pour l'intelligente et timide brunette. Malgré tout, Sutton est mise en avant pour son jeu d'acteur et sa beauté. Elle est rapidement demandée pour d'autres rôles. Sa mère et son agent ne s'accordent pas sur ce qu'ils veulent. Sutton prend le parti de son agent. Elle apparaît dans des rôles plus osés de séductrice.
1938
Sutton fixe les moulures au plafond du luxueux hôtel dans lequel elle dort ce soir. Elle enchaîne enfin les premiers rôles, et a trois contrats pour les années qui suivent, et d'autres à venir encore. Elle sourit, parce que l'argent renfloue ses caisses. Parce qu'elle reçoit des cadeaux de tous. Parce qu'elle a les regards de tous. Enfin, elle est célèbre. Et l'homme bedonnant et chauve qui se retire d'entre ses cuisses en s'écrasant de tout son poids sur elle n'est qu'un maigre prix à payer pour la célébrité. Elle se détache définitivement de ses parents et se contente de leur envoyer de l'argent pour qu'ils la laissent tranquille.
1939
Sutton fixe le chandelier de la réception. La Seconde Guerre Mondiale éclate. Si un de ses films est sorti, les deux autres sont plus compliqués à mettre en place. A la place, la censure et la propagande prennent le dessus. Là où elle brillait autrefois, dans tout ce qui était plutôt léger et romantique, elle peine à trouver sa place. Elle maintient quelques rôles, pose encore quelques fois pour des magazines, mais cherche à tout prix à rester dans la célébrité. Elle donne son corps pour maintenir l'intérêt des producteurs, qui promettent tous de l'embaucher quand la guerre sera finie.
1955
Sutton fixe les étagères pleines à craquer de bouteilles d'alcool. La guerre est terminée et les affaires reprennent. Mais les films pour lesquels elle avait signé cherchent des actrices plus jeunes désormais pour incarner leurs héroïnes. De par ses contacts et toujours en mettent en avant ses atouts, elle décroche tout de même des rôles à succès, populaires auprès de la gente masculine, alternant entre femme fatale et blonde écervelée. Plus les années passent, plus elle se fait oublier. Elle se raccroche à un semblant d'attention en s'affichant aux bras d'hommes riches. Toujours maîtresse, jamais mariée. Un de ses amants, un homme politique, lui achète un appartement à Arkham pour lui rendre visite discrètement. Elle rencontre Thalia dans un bar où, déjà bien inhibée, elle lui raconte sa vie, ses regrets, son envie d'en finir maintenant que sa beauté lui file entre les doigts.
1958
Meryem fixe les étoiles un soir d'hiver. Gisante dans son propre jardin, les vêtements en lambeaux et le visage brûlé à l'acide, elle sent son pouls diminuer graduellement. Ses vêtements s'imbibent de son sang. La douleur, au début insupportable, semble s'anesthésier, comme toutes les sensations de son corps. Elle sait qui a commandité son meurtre. Son amant voulait se débarrasser d'elle maintenant qu'il voulait monter les échelons dans sa carrière. Ses dernières pensées sont remplies de violence envers lui, envers tous les hommes de sa vie, envers sa mère.
Thalia lui donne une seconde vie.
2024 Il lui a fallut des années pour maîtriser à former et déformer son corps à sa guise. Quand elle a pu, elle a tiré satisfaction de ses nouveaux atouts. L'ironie que sa beauté d'antan lui valle sa laideur d'aujourd'hui a quelque chose de grisant pour elle. Vengeance a été faite. Elle a brûlé son ancien appartement, massacré la famille de son amant. Elle ne s'en est tirée que parce que les Regeneratios n'étaient pas encore arrivés à Arkham. Ils lui gâchent son amusement. La nuit lui appartient ; le temps a beau avancer, les hommes ne changent pas. Elle regagne le pouvoir sur son corps et sa sexualité en chassant ses proies. Au fil des années, elle prend plusieurs métiers, tous dans la scène et le divertissement. Par fidélité pour Thalia, elle espionne qui sa Créatrice veut. Parfois, elle traque ceux qu'elle suspecte être des Regeneratio pour les éliminer efficacement. Leurs marques sont toujours plus faciles à trouver une fois mis à nus.