L’ennui est mortel, ce soir. Soirée calme, la clientèle se tient à carreau et n’a pas l’air très encline à consommer plus que de raison. Tu te languis de beaucoup de choses – et surtout, de beaucoup de gens – et n’as pas envie de penser à certaines personnes plus que de raison tant que tu ne seras pas au clair avec toi-même. Bref. Tu es tourmenté par tes pensées et il n’y a même pas assez d’activité pour pouvoir t’empêcher de réfléchir.

Un soupire.

Tu essaies de faire la causette avec ton collègue au bar, mais lui-même semble préférer profiter du fait qu’il soit caché pour pouvoir texter – qui, quoi, pourquoi ? Même ça, tu ne peux pas te le mettre sous la dent. Vraiment, quelle soirée mes aïeux.

Toutefois, il te semble apercevoir une silhouette arrivant, que tu reconnais. Non pas, contrairement à d’autres, peut-être, parce que tu sais qui est cette personne. Simplement parce que tu connais ce client. Parce qu’iel est déjà venu.e. Parce que tu l’as déjà servi. Et que tu as déjà discuté un peu avec. Un sourire étire tes lèvres. Tu t’assures que personne d’autre n’a vraiment besoin de toi, avant de te diriger vers lui, félin.

« Si ce n’est pas un de mes clients favoris que je vois là ~ »

Tu lâches, un sourire amusé sur les lèvres, mais vraiment content de voir quelqu’un connu et – jusque là – apprécié.

« Je vous sers quelque chose à boire ? »

Tu essaies, pour le moment, de rester professionnel. Tant que l’on ne t’a pas officiellement invité à prendre place, tu dois rester debout. Une fois demande formulée, ce ne sera qu’obéir au désir du client et amener satisfaction, n’est-ce pas ?

Tu ne peux, toutefois, t’empêcher de demander pourquoi iel est toujours seul.e. Ou alors, c’est que tu n’as pas fait attention quand iel est venu.e accompagné.e ? Cela t’étonnerait, tout de même. Peut-être que c’était un jour de repos. Enfin. Jour. Nuit. Ahah. Bref.

Le sourire aux lippes, le regard qui caresse. Tu es ravi de lea voir ici. Ce soir. Surtout ce soir. Tu prends note de la commande, avant de rejoindre ton collègue au bar. Lui indiquer pour qui est le cocktail et lui demander le fameux Old Fashionned. Tu ne sais pas pourquoi ton collègue désire tant savoir pour qui sont les verres. Bref. Tu ne te prends rien. Même si tu en crèves d’envie. Avant de rejoindre Loren, plateau en main et lui servir son verre.

Ses mots te font soupirer. Tu regardes à droite. À gauche. Clairement, on n’a pas besoin de toi. Alors, tu te permets de t’assoir, comme le client t’invite à le faire – et il l’a fait explicitement. Donc t’es couvert.

« C’est d’un ennui – mortel. »

Tu susurres, finalement, las.

« J’ai l’impression que c’est plus fatigant encore que les soirées blindées ou on court partout avec les collègues. Là, le temps ne passe pas. »

Tu te rappelles tout de même que tu es censé faire attention à ce que tu dis aux clients. Tu déglutis, lentement.

« Désolé. Je ne devrais pas me plaindre de la sorte. Et vous alors ? Vous n’avez pas l’air des plus enjoués non plus. Dure journée ? »

Tu demandes, pour lancer la conversation. Le détaillant du regard. Décidément, il n’y a que des gens beaux qui mettent les pieds ici… Entre Jun, Mimosa, Ophrys, Arcturus… Si tu étais croyant, tu penserais que Dieu te met à l’épreuve. Ou… au contraire, te récompense pour quelque chose. Un sourire. Un rire discret.

Tu l’écoutes attentivement ; sa réponse ne dure pas. Un sourcil qui se lève, doucement. Mais respectueusement, tu hoches du chef. Iel ne veut pas parler de lui. Noté. Tu ne dis rien. Mais tu en prends bonnes notes. Alors, tes doigts se serrent sur ton verre. Tu le lèves, lentement. Fais tourner le liquide, dedans. Inspires. Souris.

« Hmm… Je n’ai pas à me plaindre. Mais non. Je n’ai pas d’autre talent caché. »

Tu souris, doucement. Bois une gorgée.

« Non, en vérité, je ne compte pas tant que cela sur les pourboires. La paie est correcte, elle me suffit en elle-même. »

Tu avoues. Avant d’hausser les épaules.

« Et être beau suffit grandement, ici. Ça et quelques paroles flatteuses. Quelques sourires. Un clin d’œil par ci, par là… jouer du flirt, avec de parfais inconnus. Tenir son rôle d’objet, en quelques sortes, pour la grande majorité. »

Une nouvelle gorgée. Un soupire.

« Mais et vous, alors ? Je ne sais pratiquement rien de vous, si ce n’est que vous êtes client relativement régulier des lieux. »

Tu lui tends une perche pour parler un peu de luielle. Mais seulement ce qu’iel veut confier. Rien de plus. Rien de moins.