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> 179cm > en parait moins à cause de sa mauvaise posture > maigre > survivante d’un rétinoblastome pédiatrique > aveugle de l’oeil droit > 3/10 à l’oeil gauche > porte des lunettes depuis toujours pour éviter que ça empire (ça a empiré) > suite à la chimiothérapie intensive a développé une ostéoporose > qui lui vaut de sonner aux portiques et s’appuyer sur une canne les mauvais jours > une cardiomyopathie > qui est surveillée de près > et une sensibilité aux infections > notamment aux laryngites chroniques > sa voix grave n’est pas de naissance > mais le résultat de plusieurs opérations des polypes des cordes vocales > peut se réveiller aphone certains matins > rêvait de devenir cantatrice > a dû changer de rêve > collectionne les cicatrices > et les bleus > maladroite, duh > mais à part ça son ouïe est excellente > se repose beaucoup dessus > paraît plus jeune grâce à sa peau de bébé > et son look d’ado attardée > cheveux frisés qu’elle néglige > se transforme pour les événements familiaux médiatisés et enfile sa plus belle tenue d’héritière fortunée > très petit foie, devient une idiote rigolote et est donc interdite d’alcool lors des événements importants > ne fait jamais de prise de parole, absente des réseaux sociaux sauf un tiktok obscur de mix électro improvisés à 4h du matin > rythme de vie et de sommeil chaotique > s’est habituée à vivre la nuit pour mieux voir les étoiles > délaisse son appartement hors de prix et vit dans son bureau > hygiène (de vie, mais pas que) discutable > laisse trainer des chaussettes sales dans sa chambre (son bureau) et a retrouvé plus d’une fois des pâtes séchées collées dans ses cheveux > cherche constamment ses lunettes (elles sont sur sa tête) > fume de façon récréative > c’est mauvais pour absolument tout ce qu’elle a > visage extrêmement expressif > n’a toujours qu’une compréhension très approximative de la valeur de l’argent et du prix des choses > oublie constamment de récupérer sa monnaie dans la machine à café > son chien guide s’appelle King > il vieillit tranquillement dans son panier de luxe comme le roi qu’il est > elle lui parle comme à un humain > c’est son meilleur ami

[running] python “dorotea.py”
Les premiers sons qui se glissent dans ses oreilles sont des notes de musique. Le souffle hachuré, la voix cassée, sa mère lui murmure son amour en chanson. Son père, trop ému pour parler, fredonne entre deux reniflements. Dorotea ne s’est jamais demandée ce que cela fait d’être aimée, elle le sait. Être aimée, c’est courir entre les jambes des adultes pendant que ses oncles font résonner les tambours des guitares. C’est ciseler des fleurs sur le pain qui lève, faire des batailles de farine et tracer des volutes dans celle qui reste sur le comptoir. C’est s’asseoir par terre entre les jambes de sa grand-mère, et lui chanter ses chansons préférées pendant que ses doigts agiles font des tresses dans ses cheveux mal-peignés. L’amour est une cacophonie de cris et de rires pour ceux qui ne savent pas l’écouter. Pour Dorotea, c’est un orchestre dont elle est la première soliste - ou l'était.

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Du haut de ses vingt-deux années, Alizia De Manincor est déjà une mère accomplie à la tête d’un empire en plein expansion. C’est aussi une femme passionnée, qui n’a que faire des tabous de son époque lorsqu’elle rencontre un guitariste à la dextérité prodigieuse et à la peau d’ébène. Ils s’aimeront brièvement mais furieusement, avant qu’Arkham ne l’emporte.
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Ses parents, à elle aussi, sont jeunes. La vingtaine à peine mais plein de la même ardeur que celle qui animait son ancêtre. Son père fend les cœurs les plus durs en pinçant les cordes de sa guitare, sa mère les envoûte en l’accompagnant du trémolo de sa voix. Dorotea sera la première née d’une sororité de trois, choyée et adorée dès ses premiers babillements.
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C’est toujours terrible quand le malheur frappe en commençant par les enfants. Dorotea se cogne contre les coins de table, dans l’encadrement des portes. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe quand on fait examiner ses yeux et que ceux de ses parents se remplissent de larmes, mais c’est le silence dans sa maison d’habitude pleine de musique qui lui fait le plus peur.
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Le cancer est agressif. Dorotea perd les étoiles qui constellaient son œil droit et les remplace par une nuit sans lumière. Ce n’est pas grave, elle peut toujours lever la tête vers le ciel pour les voir.
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Mais lui enlever un œil ne suffit pas. Le cancer est une hydre qui refuse de se laisser abattre, épuisant médecin après médecin avec chacune de ses têtes qui repoussent. A cinq ans à peine Dorotea est une habituée de la salle de chimiothérapie, et pour qu’elle s’y sente moins seule on lui offre un chien qui lui tiendra compagnie. Ensemble ils regardent le Roi Lion en boucle, pendant qu’on pompe du poison dans ses veines.

Ses parents, oh si aimants, sont dépassés. Heureusement, Mama est là.
Dès le début Mama et la fortune De Manincor font disparaître les frais médicaux et envoient les meilleurs médecins au chevet de la petite souffreteuse. Dorotea ne rentrera pas à l’école ? Qu’à cela ne tienne, des professeurs particuliers viendront lui faire classe jusqu’au fond de l’aile oncologique si nécessaire. Il ne sera pas dit qu’une descendante De Manincor vit dans la misère.

Ses parents s’habituent et Dorotea continue de vivre la seule vie qu’elle a jamais connu. Elle apprend à suivre les doigts de son père sur un piano et chante avec sa mère des berceuses pour sa petite-sœur. Quand son talent pour le chant se fait sentir, Mama décide de lui payer des cours pour cela aussi. Dorotea aime chanter pour Mama mais elle n’aime pas venir dans sa grande maison - elle se sent honteuse quand ses cousin.es pointent son absence de cheveux.
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Après des années de rémission, les médecins sont formels : le cancer a été vaincu. Avec l’arrêt des traitements, ce sont des années d’énergie volée qui reviennent animer Dorotea. Il y a un monde, dehors. Un monde qu’elle ne connaît pas et qu’elle rêve de découvrir enfin.

Malheureusement, ses jours loin de l’hôpital sont comptés. La chimio a laissé ses traces et ses os d’enfant ne sont pas devenus les piliers nécessaires à soutenir son corps d’adolescente. Sa croissance affaibli son squelette et sa maladresse brise ses membres, alors on les remplace avec de l’acier. Dorotea ne rentre en école privée que pour mieux en sortir, la sécurité et l’environnement contrôlé de sa maison prévalant aux yeux soucieux de ses parents. Son univers, déjà minuscule, se recroqueville encore plus.

Son unique échappatoire est le conservatoire. Alors qu’elle grandit son aptitude pour le chant en fait autant, et c’est dans la musique que Dorotea déverse tout ce qu’elle ne peut exprimer ailleurs. Mama la fait chanter aux réunions de famille, ce qui la rend fière et fait rayonner ses parents d'orgueil. La place de la matriarche se fait de plus en plus importante dans son quotidien, alors qu’elle cultive cette graine de talent avec tout le soin d’un jardinier plusieurs fois médaillé. Dorotea se sent s’épanouir sous ses attentions, et avec l’approche de l’âge adulte c’est aussi le savoir de ce que cela veut dire que d’être favorisée par Mama qui se fraie un chemin en elle. Elle qui n’a jamais eu d’ambitions, c’est avec reconnaissance qu’elle plie le genou et s’abandonne aux bonnes volontés des décideurs. Si les De Manincor sont une galaxie, alors Mama en est le soleil. Dorotea est contente de chanter l’aria qui accompagne ses rayons.
[date] python “deux_mille_neuf.py”
Une nouvelle fois, le rêve s’arrête brutalement. Les laryngites à répétition ont laissé des lésions et les polypes qui en sont nés doivent maintenant être retirés. Aucun chirurgien ne peut lui garantir que son timbre de voix restera inchangé. L’aria n’aura pas lieu.

Que faire quand on a plus de futur ? Dorotea erre sans but entre les murs de sa chambre en se répétant la même question. L’opéra était sa raison d’exister et le vide qu’il laisse dans sa vie est abyssal. Mais elle aurait dû savoir depuis le temps, qu’un vide finit toujours par être comblé.
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Les études qu’elle avait commencé comme une arrière-pensée - à peine une mention pour orner sa page wikipedia - prennent petit à petit la place désormais vacante dans son quotidien. Mieux que ça, une réalisation : si Dorotea était douée en chant, elle est géniale en mathématiques. C’est une passion nouvelle qui croit en elle, mais une passion solitaire également. Chaque pas qu’elle fait dans la direction de la science est un pas qui l’éloigne un peu plus de sa famille. Le domaine des De Manincor est celui des arts et il n’y a personne pour l’accompagner au-delà de ses frontières. Dorotea quitte enfin, non sans frayeur, le monde connu et s’aventure dans les étoiles.

Malgré elle astronaute sans attaches, Dorotea rêve pourtant de retrouver le sentiment d’appartenance et de sécurité de l’amour de Mama. Elle n’a plus rien à lui offrir - sa voix est perdue, elle n’a ni talent créatif, ni social, rien qui puisse faire briller les De Manincor sur le devant de la scène. Alors, elle les fera briller dans l’ombre. Nuit blanche après nuit blanche, Dorotea s’enfonce dans les recueils occultes et commence ses propres recherches. C’est une tâche dangereuse que d’expérimenter avec la trame de la réalité. Si Mama l’apprenait elle serait ostracisée, si les Vesperis l’apprennaient peut-être qu’ils la tueraient. Mais Dorotea est déjà seule et faible - qu’a-t-elle vraiment à perdre ?
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Dorotea tourne en rond, dans son bureau tout comme dans ses recherches. Ses médecins sont inquiets, ils n’aiment pas ce qu’ils entendent quand son cœur bat dans leur stéthoscope. Il est temps de sortir de l’impasse.

PC C:\Users\Dotty> python dorotea.py
Que penses-tu de la vulnérabilité ?
c’est la preuve que l’on est vivant, la preuve que l’on a encore quelque chose à perdre

Sombrer et vivre, ou tenir et mourir ?
sombrer et vivre et tenir et mourir

Penses-tu que tu es assez ?
non

Pour toi, quelle est la chose la plus importante dans ce monde ?
ceux qui nous aiment, c’est ça une famille non ?