hunger

would you ever feed each other

La nuit se tait, et en son sein, Darcy expie sa culpabilité. C’est en elle-même, qu’elle creuse pour réfuter le crime et l’extirper de sa conscience. Ce qui se loge dans ses entrailles doit la quitter, elle en a la certitude. Ses paupières closes, ignare au monde, c’est dans l’antre d’un refuge abandonné qu’elle a traîné sa solitude. Là où nul ne la cherchera.

Les heures ont passé – elle ignore combien tout à fait. Lascivement allongé sur la couche d’un canapé usé par les temps, aux boiseries rongées et au tissu griffé, elle se plonge en elle même et s’en remet à ce qu’il y a de plus essentiel en son giron. C’est Materia qu’elle cherche, désespérèrent fondue dans l’obscurité avec laquelle elle ne fait qu’un, et qu’elle attend. Sa Main tendue, peut-être, saurait la réconforter.

La faim gronde. Elle est impitoyable, rugissante – oh, elle reconnaît ces instants. Ceux-là qui précèdent la Bête, le monstre qui sommeille en elle et qu’elle nargue impunément. S’il lui fallait y céder, alors tant pis – c’est que Materia l’aura souhaité. Rien ni personne ne saurait la déranger.

Seulement, les fantômes murmurent et dansent leur valse mortuaire autour d’elle.
Et dans leur sillon, emportent avec eux la connaissance de ce qu’ils ont vu à une oreille salutaire.

hunger

would you ever feed each other

La faim la tiraille – cruelle, infâme, infinie. Sordide. Darcy sent l’abîme se creuser entre ses côtes. Les minutes passent, et le monde entier lui semble très loin. Elle est étrangère à toutes choses, s’adonne à l’oubli et l’abandon le plus complet. Bientôt, c’est à la Bête qu’elle se donnera, toute entière. Qu’elles qu’en soient les morbides conséquences.

Mais un chuintement interrompt son abandon. Quelque chose – quelqu’un - est, non loin. Cette présence, la légèreté de ce pas, même dans l’oubli d’elle-même elle le reconnaît. Spectre parmi les spectres, son adelphe penche bientôt son âme bienveillante à son chevet. Sa gorge ce serre : Darcy est un impie. Il ne mérite pas son souci. Il maudit secrètement les traîtres fantômes qui hantent le refuge grinçant.

Le timbre de voix de Yael est une accalmie dans sa tempête intérieure. Alors, malgré son égo bafoué, sa culpabilité dévorante, son assourdissant désir de s’oublier, ses yeux s’ouvrent sur la figure claire de son adelphe. Le carmin qui naît à sa gorge remue en ses entrailles une soif antique, et furieuse. Le bourgeon gonfle, et perle. A sa vue, et aux gestes impérieux de Yael, Darcy ne peut se dérober.

Là, le nez niché à sa nuque, ses lèvres s’écrasent contre la sanguine blessure. Sang de son sang, chair de sa chair : c’est le nectar le plus pur qui apaise lentement la rage grondante. Elle boit.