Contemplation muette de cette toile grotesque, elle se demandait bien ce qu’elle devait se demander. Les couleurs tiraient vers le monotone; fracassaient sa rétine en lui imposant l’ordinaire pour la questionner.
Le titre ne faisait pas de sens et elle secouait les cheveux; lassée par ce vide qu’elle ressentait. Voilà comment elle occupait son après-midi à s’interroger face à des toiles creuses ou trop profondes pour sa psyché.

On avait chuchoté en la voyant arrivée, elle n’y avait guère prêté attention. Elle savait qu’elle était une Byrd, connaissait le poids derrière ses talons et ses sourires. Ce n’est pas ici qu’elle deviendra un visage sans nom, tout au plus une existence sans conséquence. Perdue, elle ne fit pas se faire surprendre.

L’odeur fut première, empoisonnante vanille détériorant les senteurs délicates de ces lieux. Odeur chaleureuse, telle une messagère des temps d’enfance et de paix où les problèmes se diluaient d’une caresse sur la joue et d’une promesse de bien faire. Le geste de se dégager ne fut même amorcé que déjà Bellion de Manincor lui apparut.

Elle le connaissait, depuis bien plus longtemps que son souffle avait été associé à la ville d’Arkham; avait connu le visage pubère du dernier né des De Manincor quand elle n’était qu’une enfant. On lui avait chuchoté qu’il ne fallait mieux pas de ne pas trop s’approcher d’eux et elle les avait cru.

Mais elle tanguait doucement, perplexe par la sympathie qu’il lui inspirait et la grâce de son visage. D’un pas, elle reculait sous l’influence d’autre que de sa raison et l’italien berçait doucement ses pensées.

-Monsieur de Manincor.

Mots entrecoupés, gênés dans une voix qu’elle ne reconnaissait pas. Elle se donnait une contenance en toussotant, redressant le buste avant de le défier d’un regard timoré.

-Je comprends tout à fait - répliquait-elle un peu gauchement, se reprenant pour imiter les tons assurés des vesperis qu’elle avait l'occasion de fréquenter-, nous avons des emplois à la hauteur de nos rangs. Merci de venir me saluer par vous-même, j’apprécie l’honneur qu’il m’est fait.

Mouvement gracieux du crâne, pour accueillir ses mots, elle ne put empêcher de le regarder confusément. L’alacrité soudaine qu’il manifestait en la contemplant était similaire à celle d’un curieux observant la dissection d’une chair étrangère. La honte rougit brusquement ses joues quand elle eut ces pensées, perversion délicate qui s’allongeait sur ses os.

-Oh!

Surprise, il l’avait eu. Frottant son coude qu’elle avait heurté contre le mur, elle grimaçait légèrement, masque de noblesse tordue pour laisser passer la jeune adulte.

-Je n’ai pas ces prétentions, je viens juste regarder ce qui est exposé. C’est fascinant ce que vous avez pu faire rentrer récemment, je ne peux que saluer votre travail et votre investissement.

Elle n’ignorait pas les rumeurs mais voulait offrir à la franchise de son sourire, l’ombre d’un doute.