Hadrian se fige, à peine un pas dans son bureau.
Un fantôme y est, comme s'il venait véritablement de sortir de terre  pour hanter les vivants. Et il parle, le salue, comme autrefois. L'effroi l'empêche de réagir tout de suite. Dans le couloir, personne, et le  professeur s'empresse de fermer la porte pour qu'on ne le voit pas, ni lui, ni Amadeo.

- "Bonsoir" ?!

Hadrian se retient de hurler, adossé à la porte. Il pensait avoir fait le deuil, comme pour le reste des Byrds, se disant que c'est fini, on ne les reverra plus alors c'était tout aussi bon de tasser les émotions avec le reste de ses regrets. Mais maintenant, il ne sait plus quoi ressentir. Le soulagement ? La colère ? Tout coince dans sa gorge.
Amadeo n'avait pas tant changé que cela.
Et lui il fronce les sourcils pour retenir ses yeux de s'humidifier de trop.

- Que fais tu dans mon bureau ?! Je pensais que tu étais trop occupé à faire le mort !

Quatre ans sans nouvelles, sans messages, sans explications, et le voilà, en chair et en os ! Hadrian s'était fait une raison, il le pensait véritablement mort.
D'ailleurs.
Quatre ans, cela  lui rappelle autre chose. Un intrus dans son bureau aussi. Ce sont des liens qui ne se reposent sur rien, mais peut être...

- C'est toi qui vole mes dossiers ?

D'ailleurs.
Autre pensée inquiétante qui lui traverse l'esprit. Les fameux vesperis.
Mais Hadrian ne demande pas. Ses traits s'aggravent légèrement, mais il ne dira rien, pas tout de suite, pas quand le revoir le soulage autant que cela le rend furieux.

Le sourire le déchire de l'intérieur. C'est un rappel douloureux du passé, de tout ce qu'il s'est forcé à oublier pour mieux avancer.

- Mais ben sûr  ! Les morts s'infiltrent dans mon bureau !

Trop bouleversé pour comprendre l'évidence.
Pour lui, s'il voulait lui en coller une, sa main ne passerait pas à travers sa peau !
Acturus n'a pas fini de le tourmenter. Alors que le spectre s'approche,  son cœur se serre; la peine remonte, et l'incompréhension.
Un ricanement lui échappe.
Il aurait été si heureux. Si effrayé aussi, à l'époque.

- Tu as disparu, Amadeo.

Amer, il s'efforce à ne pas laisser trop de peine transparaitre.
Il n'a jamais demandé sa main, a cessé d'être à ses côtés, sans explication. Comment y croire, alors ?
Mains contre la porte -il faut qu'elles y restent, il ne les mérite plus-, Hadrian ne peut pas s'empêcher de le détailler du regard. A quelques détails prêt, c'est le même que dans ses souvenirs.
Et lui ?
Fatigué. Plus de cheveux blancs, le stress et l'anxiété. Une meilleure forme physique, qui n'aidera jamais en rien face à la menace.

Puis les dossiers.
Il ne voit que son dos. Cela l'inquiétait sur le coup, cela aurait pu tout expliquer, mais ce n'est pas Amadeo, et il le croit.

- Des dossiers, on... On me les vole, puis on me les rend !

Il soupire sèchement, fronce les sourcils.
C'était angoissant de revoir ce symbole apparaitre sur ses affaires, mais moins important que son retour parmi les vivants.
Enfin il se détache de la porte et ose quelques pas vers lui.

- Ce n'est pas important !

Tant de questions qui fusent dans son esprit, mais les mots ont du mal à sortir.
Il le voit, il est là, à portée de main.

- Amadeo... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Le plus dur, c'était de l'oublier sans avoir pourquoi il l'a abandonné.
Devoir reperdre un être cher sans aucune explication.