Elle en avait entendu parlé, de cette fontaine. On lui avait dit que c'était un endroit très apprécié des amoureux, qu'une légende racontait que l'endroit avait été bâti en l'honneur d'un amour impossible. Un lieu parfait pour chercher l'inspiration en soi. Et si au début, l'endroit l'avait charmé, lorsqu'il ne restait plus qu'elle assise au rebord d'une fontaine, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir l'impression d'assister à une tragédie.

Serait-ce parce qu'elle ne pouvait pas voir les couples heureux la journée, quand le soleil brille ? Le parc, qui devait être un symbole de romantisme, avait des airs de tragédie pour elle. Les fontaines pleurent, c'est ce qu'elle se disait bêtement. Mimosa était revenue de nombreuses fois ici pour trouver l'inspiration. Ici, elle n'y écrivait pas des histoires d'amour passionnée, mais des drames. Quand il s'agissait d'écrire une scène poignante, elle revenait ici.

Et c'est parce qu'elle travaillait sur un énième livre qu'elle avait finalement donné rendez-vous au Favori.
C'était un privilège, qu'il lui accordait. Elle le lui faisait savoir, elle le traitait avec beaucoup de respect, même si elle doutait qu'il en fasse de même. Elle ne pouvait nier que Ophrys avait une aura magnétique, ce qui faisait de lui le parfait amant dans ses récits.

Ses instincts ne sont pas très bon, et elle sursaute quand il semble apparaître de nul part derrière elle, cassant la mine de son criterium sur sa page. Si son coeur battait encore dans sa poitrine, il aurait bondit aussi.

« Ophrys... Vous ne me faites jamais attendre, voyons. »

Quand bien même il le ferait, elle ne s'en plaindrait pas. Elle n'oserait pas. Et ses mots tendancieux la ferait rougit si elle le pouvait encore. Autant elle pouvait écrire des choses assez graphiques, autant c'était bien différent de s'entendre dire cela à voix haute. Elle s'éclaircit la gorge.

« Euh je... N-Non. Enfin, si vous voulez me raconter, j'en prendrai notes- mais c'est pas ceee pourquoi je vous ai appelé. Ahem. »

Il faisait chaud tout à coup, ou bien c'était elle.

« Je voulais savoir si vous connaissiez l'histoire cet endroit. Depuis quand il existe et pourquoi. Il... m'inspire beaucoup. Peut-être qu'il vous dit quelque chose, à vous aussi...? »

Il était un des héros de ses romances. Peut-être qu'elle espérait qu'il ressente une sorte de connexion à cet endroit aussi. Peut-être qu'il avait un signification pour lui et le Prince.

« Hm. Les De Manincore... J'ai déjà entendu ce nom. »

Certaines intrigues de la Cour lui échappaient encore, mais elle avait déjà été briefé sur les "Quatre", et elle savait que son clan avait une entente avec cette famille-là en particulier. Elle savait aussi qu'ils étaient proéminents dans les arts et la culture, et ça faisait énormément de sens que ça soit eux qui aient rénové ce bel endroit.

Ses yeux suivent machinalement le mouvement des doigts longilignes d'Ophrys. Elle se demandait s'il y croyait, lui, à ces histoires de superstitions. Après tout, les vampires existaient, et ils avaient bien une force divine pour les guider. Comment dissocier la fantaisie de la réalité maintenant qu'elle était initiée au secret ?

« Vous n'auriez pas une petite pièce sur toi à tout hasard ? »

Si c'était une coutume, ça ne coûtait qu'un cents à respecter.

« Vous me flattez si vous me considérez vraiment comme une artiste ! Mais j'ai tendance à trouver l'inspiration dans des endroits pleins de fêtes et de passion. Et étrangement, ce parc, ces fontaines... Elles m'inspirent des tragédies, des drames. Après... Il faut bien de tout, pour faire une histoire. »

Elle tapote son carnet avec son crayon.

« Pensez-vous que les De Manincore connaissent l'histoire de cette fontaine ? Ses origines ? »

Les rumeurs locales devaient se baser sur une histoire vraie, non ?

Mimosa avait seulement demandé une pièce à moitié pour plaisanter, elle ne s'attendait pas à ce qu'Ophrys lui en donne réellement une. C'était la première fois qu'il lui adressait quelque chose de gentil sans sarcasme ou mesquinerie aucune, lui semblait-il, et elle avait un sourire un peu enfantin quand elle reçu sa monnaie.

« Merci beaucoup ! »

Elle était polie, Mimosa. Sa question la fit réfléchir un instant pendant qu'elle faisait tourner la pièce entre ses doigts, et elle s'intéressa davantage à la suite de sa phrase pour lui répondre.

« Je veux bien, si ça n'est pas trop vous demander. J'espère qu'il y a réellement une belle histoire qui se cache derrière cet endroit. Mais je n'avais pas songé à la bibliothèque... Est-ce qu'elle reste ouverte de nuit ? »

Oh, sans doute que certains avaient les moyens d'y aller de nuit, mais elle ne se risquait toujours pas à frauder, malgré ses nouvelles capacités. Pas besoin. Ou sinon, elle pourrait toujours demander à un humain de l'aider à récupérer ce dont elle avait besoin.

Elle sourit légèrement.

« Quant à mon voeu... L'un n'empêche pas l'autre. Je souhaite à toutes mes muses de trouver l'amour ! »

Elle lui tendit la pièce à nouveau, au niveau de son visage.

« Un bisou pour porter chance ? »

Il indulge ses caprices, ça lui fait plaisir.
A son tour, elle embrasse l'autre face de la pièce avant de faire tourner la pièce dans les air d'un coup de pouce. Elle virevolte avant de couler au fond de la fontaine, parmi tant d'autres pièces. Elle se demandait combien de couples étaient venus ici, et encore combien étaient restés ensemble.

Elle sait qu'il a raison, qu'elle pourrait susurrer des mots doux pour avoir un laisser-passer, mais ça semblait déjà si simple. D'aller à la bibliothèque. Pas besoin d'embrouiller les esprits pour cela. Elle se nota mentalement d'y faire un tour ceci dit.

Ses yeux s'arrondissent quand Ophrys lui parle d'amour ?

« Moi ? Non. »

C'était peut-être contradictoire avec le fait qu'elle écrivait tant de romans sur le sujet, mais elle ne s'en cachait pas.

« Je pense qu'à force d'avoir forgé différentes visions de l'amour, j'ai placé des standards impossibles pour moi-même. Je suis plus intéressée par voir l'amour chez les gens que l'expérimenter moi-même. C'est bizarre ? »

Quelque part, elle avait peur d'être déçue.
Ca pouvait aller si vite, de perdre l'inspiration.
Si elle vivait l'amour et qu'il était différent de sa vision, ça changerait ses écrits pour toujours, elle n'était pas prête à faire ce sacrifice.

« Et vous ? Vous aimez le prince ? »

Dit-elle avec candeur.

Soit ; si le mystère était plein pour elle, peut-être que c'était mieux si sa Muse les gardait aussi.
Dans ses histoires, Orphée est un séducteur qui garde tout de même un côté sensible et humain. Il a des défauts mais le prince les accepte. Il a des rivaux, mais il triomphe toujours. Orphée était spécial. Orphée n'était pas qu'un faire-valoir. Même si Xavier était le personnage principal dans ses histoires, elle avait toujours vu Orphée comme étant le personnage le plus intéressant.

Le plus difficile à cerner aussi.

Ce soir, il montrait un côté différent de ce à quoi elle s'attendait. Car elle ne pensait pas que Ophrys avait ses défauts ou ses vulnérabilités. Peut-être même qu'elle le trouvait un peu arrogant, sans doute qu'il était bien plus manipulateur que ce qu'elle écrivait.
Peut-être était-ce la nuit, peut-être était-ce le bruit des fontaines.
Il lui paraissait plus doux.
Et tragique.

Et ses mots n'en restent pas moins doux. Elle ne recule pas au contact, bien qu'elle est surprise ; elle a du mal à cacher ses expressions.

« Hah... »

Elle a un sourire nerveux.

« C'est un des avantages de vivre très longtemps, non ? Pouvoir se permettre d'attendre pour trouver la perle rare ? »

Est-ce que l'éternité suffirait seulement ?
Elle détourne poliment le regard.

«Je crois, que ce qui rend l'amour beau et unique, c'est dans le fait qu'il ne dure pas, même si on le voudrait. Je regarde ces fontaines, je regarde les pièces qui y sont au fond, et je me demande comment, dans une seule vie, une vie humaine si courte, on peut être sûre d'avoir choisi la bonne personne pour passer le reste de sa vie. La queston est d'autant plus lourde quand on est éternel, non ? »

Mimosa fixe une autre fontaine, un peu plus loin, et inscrit quelque chose dans son carnet, spontanément.

« Per Matere ad Caelum. C'est ce qui est écrit sur chaque fontaine. Je crois que ça veut dire... Pour la Mère au Ciel ? Par la Mère au Ciel ? Est-ce que ces fontaines seraient plus un hommage à une mère qu'à un être aimé ? »

Elle n'avait jamais connu que l'abandon de sa mère. C'était un amour qu'elle ne comprendrait pas.

Mimosa afficha une moue boudeuse. Bien sûr qu'elle connaissait la légende d'Œdipe.

« Oui, mais même moi je n'écris pas de romance incestueuse, encore moins entre un fils et sa mère... »

Et elle n'avait pas envie de commencer maintenant. Elle préférait penser qu'un s'agissait d'un hommage sain et non une façon détournée de montrer son amour à celle qui a donné la vie.

« Je ne suis pas croyante, non. Enfin, je veux dire, pas catholique ou bouddhiste... J'imagine que Dame Materias est ma nouvelle religion. »

C'était encore nouveau pour elle, mais on lui avait expliqué que certains étaient très fervents envers leur dévotion pour "la Main Aimante". Et, de pas leur existence, Mimosa était bien forcée de constater qu'il devait exister une entité divine qui avait fait d'eux des êtres immortels.

« Et je n'étais pas au courant de la légende Maria Magdalena. Les septs démons dont vous parlez... Ce sont les sept péchés capitaux ? Ou je confonds ? »

Les légendes avaient leur constante, le nombre sept n'était pas anodins. Elle pris des notes au fil de leur discussion.

« Un septième clan ? »

Mimose répète, incrédule.
Non, elle n'était pas au courant. Il faut dire qu'elle était encore relativement jeune, elle n'avait rien vécu de tous les grands moments que les Veperis ont connu à travers les siècles.

« Il y aurait un lien entre Materias et Maria Magdalena ? Je devrais me renseigner à la bibliothèque, comme tu me l'as suggéré. Sept enfants, sept clans...»

Elle réfléchit à voix haute.

« Quid du père ? »

C'était peut-être idiot, comme question. Elle savait bien que dans beaucoup de mythes, des mères avaient spontanément des enfants, sans autre géniteur.

Mimosa réfléchit, encore et toujours.
Elle devait avouer, elle n'aimait pas trop tout  ce qui était lié à la religion. Tout était question de punition, de châtiment, c'était plein de contradiction et de tabou, en prêchant à contrario l'amour et la bonté.
Elle ne voulait pas s'aventurer sur ce terrain là dans ses histoires. Elle n'allait pas risquer de diviser des communautés ou de les offenser.
Il y a quelque chose qui la fait tilter dans ce que dit Ophrys.

« Je ne suis pas d'accord avec vous... »

Elle souligne le mot "père" dans son carnet.

« Ma mère m'a abandonnée quand j'étais bébé. C'est ma tante qui m'a élevée. Elle m'a raconté que ma mère ne lui avait jamais parlé de qui était mon père parce que c'était un homme qui était déjà marié. »

Elle gribouille des arabesques sur le coin de sa page, ça l'aide à réfléchir.

« C'était un amour interdit. Peut-être que Maria Magdalena a eu ces enfants, ces sept démons... avec un démon. »

Mimosa relis ses notes brouillon.

Les fontaines pleurent.
Les jets d'eau semblent vouloir atteindre le ciel.
La terre embrasse le ciel.
Per Matera ad Caelum = Pour la mère au Ciel ?
Maria Magdalena => 7 enfants démons (7 clans Vesperis ? Materias ?)
Père ?
Amour interdit
Magdalena + Démon
Ange + Démon

« Pardon Ophrys, je dois me concentrer pour écrire. Je crois que j'ai mon inspiration. »