Pour toi, de prime abord, ce n’est très clairement pas une soirée de loisir. C’est le travail, bien évidemment. L’uniforme enfilé, les questions lourdingues de tes collègues-amis posées et esquivées, te voilà en piste pour commencer ton service. Celui-ci n’est pas de tout repos. Sans compter que, parfois, sans t’en rendre compte, tu tapes tes meilleurs pas de danse entre deux tables, le plateau en main et sans renverser une seule goutte, ce qui tire des applaudissements de la part de quelques clients, des rires, des félicitations. Tu ne comptes pas les mains au cul que tu te prends, ni les compliments, ni le nombre de fois où on t’a demandé ton numéro, ni même le nombre de fois où on t’a demandé à quelle heure tu termines.

Tu sais que l’énorme majorité des gros lourdingues sont trop alcoolisés pour se rappeler de tes réponses et plus encore pour t’attendre jusqu’au bout de la nuit. Alors, tu laisses couler. Tu continues ton travail, sans trop réfléchir au reste. Tu guètes, tout de même, si tu vois un visage familier. Il n’est pas rare, après tout, de voir quelques nouveaux amis. Ou tout simplement le patron. Patron que tu te surprends souvent à chercher, en vérité… Bref. Non. Ce n’est pas vrai.

Finalement, fin de service. Tu vas te changer, pour remettre tes habits de ville et récupérer tes affaires. Tu comptes rentrer, de base. Tu es un peu fatigué, mais ce n’est pas non plus l’épuisement total. Juste… tu serais volontiers aller te poser dans ton nouveau canapé et profité du sweat d’Arnold pour un instant cocooning dans ton sentiment de sécurité.

Sauf que ! Une voix. Un peu happée par la musique, mais tu la distingues tout de même. Et c’est avec un sourire que tu viens rejoindre la demoiselle qui… te tend un bouquet de fleurs. Tu l’observes, un peu surpris, mais sens ton cœur se gonfler de plaisir. Tu aimes bien, les fleurs. Et on ne t’en a pas offertes depuis… depuis. L’accident. Soupire. Efface ça de ta tête.

« Mimo, fleur parmi les hommes, rayon de soleil de mes nuits ! »

Tu lâches, dans un petit éclat de rire. Tes doigts viennent saisir le bouquet pour le porter à ton nez, humer le cadeau, avant de venir déposer un baiser sur sa joue.

« Merci beaucoup de l’attention. Elles seront du plus bel effet dans ma chambre… »

Tu prends, finalement, le temps de l’observer.

« Seigneur, comme tu es resplendissante. Je suis presque jaloux, tiens. »

Ton collègue au bar vient te demander comment ça va, après cette soirée / nuit de folie. Tu lui réponds, rapidement et commande un verre, sors ta CB pour régler puis te reconcentre sur la demoiselle.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne t’es déplacée rien que pour moi ? Ou tu as affaires avec quelqu’un d’autre ? »

Genre. Jun ? Est-ce que tu dois l’emmener jusqu’au bureau ? Ca te donnerait un prétexte pour poser les yeux sur lui, mais ça… Chh.

Charmeur contre charmeuse. Elle t’embobine, Mimo. Une jolie vache déguisée en fleur qui fait la belle et qui vous attache puis qui vous mène par le bout du cœur. Voilà comment tu la vois. Et tu la laisses complètement faire.

Tu poses finalement ton séant sur un tabouret, tes doigts viennent jouer avec le verre que l’on vient de te servir. Tu attends qu’elle ait également une consommation avant d’entamer – politesse, paraît-il. Et puis… ses mots te tirent un sourire amusé.

« Ah ! Je savais bien que ce n’était pas que pour mon joli minois que tu venais. Tu veux des petits potins, hmm ? »

Servie, tu viens offrir ton verre pour trinquer, avant de boire une première gorgée. Est-ce que ce sont tes regards à travers la salle qui t’ont trahi ? Non, pas possible. Ce doit être plus vieux. Tu te mords la lèvre inférieure. Oops.

« Il me traite bien, je suppose ? Je n’ai jamais vraiment eu d’autres patrons. Pas… dans ce genre-là, je veux dire. Enfin, j’ai jamais bossé dans une entreprise classique, tu vois. »  

Tu fais plutôt allusion au fait qu’avant, tu travaillais pour une compagnie de danse. Alors forcément, être un « employé classique », ça te fait étrange.

« Après… il veille au grain, je suppose. Fait attention à ce qu’on ne lui fasse pas perdre d’argent, je suppose. Ou qu’on ne care pas notre poing dans la gueule d’un client odieux. »

Ca, tu l’aurais bien fait plus d’une fois. Mais en même temps… c’est flatteur, de te sentir désiré. Alors tu les tolères, les mains au cul. Peut-être bien que des fois, ça te turn on. Quand elles ne sont pas gratuites. Quand il y a eu un jeu de regard au préalable. Quand tu l’as cherché. Avec les hommes comme avec les femmes, ceci dit.

Parce que tu aimes voir l’étincelle du désir dans leurs regards.

Parce que tu aimes les pourboires qu’ils te laissent, avec l’espoir que tu leur laisse ton numéro. Ou ton Snap. Ou ton Insta.

« Bref. Ca va. Je suis bien, là. Et toi, alors ? Est-ce que ça écrit dur durant la journée ? Ou la nuit. Ou… bah. Tu m’as compris. »

Une nouvelle gorgée. Tu aimes sentir l’alcool te chauffer l’œsophage. Tu aimes t’enivrer. Tu aimes oublier…

Le concret, le concret. Oops. Tu es à deux doigts de rougir avec ses insinuations non déguisées. Tu déglutis. Bois une gorgée. Te mords la lèvre inférieure. Hmm hmm, tu ne diras rien sans la présence de ton avocat.  Même si, très visiblement, tu t’es trahi toi-même. Tes regards, hein. Fait chier. Mais très visiblement, tu réussis à changer le sujet.

« Des fois, je t’envie ! Je m’imagine vivre au rythme que je souhaite, et travailler quand je veux. Oh, douce allégresse ! »

Comme tu en fais des caisses pour être théâtrale, avec elle. Cela te fait rire. Tu apprécies, pourtant. Tout comme tu apprécies sa curiosité.

« Hmm eh bieeeen… Es-tu sûre d’avoir été assez sage pour que je partage mes potins avec toi ? »

Tu susurres, finalement, en posant un coude sur le comptoir et ta joue dans le creux de ta main. Finalement, un nouvel éclat de rire t’échappe. Tu pivotes sur ton tabouret pour faire face à la salle. Tu cherches du regard deux de tes collègues pour inviter Mimo a poser son attention sur eux.

« Tu vois, ces deux-là ? Ils sont sortis ensembles. Ca s’est mal terminé. Infidélité. La partie drôle de leur histoire, c’est qu’ils ont couché avec la même personne. Attends, elle ne doit pas être bien loin… normalement elle termine dans ces eaux-là, elle aussi. Tiens, celle qui sort de là-bas ! »

Tu la pointes du regard, discrètement.

« Elle se tape tout ce qui bouge et s’en fout de si c’est en couple ou pas. Absolument, délicieusement scandaleuse. »

Tu souris, doucement.

« Sinon… pff. En vrai, j’en ai plein des potins, mais sincèrement, ils se ressemblent tous. Enfin, ceux que j’ai observé ce soir. »

Mais tu te creuses les méninges, à la recherche de croustillant. Et en même temps, tu vides ton verre. Tu as une bonne descente, ce soir. Et l’alcool, ça a tendance à te délier la langue…

« Mais et toi, ma douce ? Tu me questionnes, tu me questionnes ! Mais je veux des potins sur toi, aussi ! Donnant donnant, non mais ! »

Tu l’écoutes, attentivement. Réfléchis. Très franchement, personne ne voudrait acheter des photos de tes pieds, ça, c’est un fait. Tu ricanes, rien qu’à y penser.

« J’avoue que je pourrais me mettre sur Only Fan, en fait. Pas pour les pieds. Faut pas déconner. Si y a bien un truc vraiment horrible chez moi, ce sont mes pieds. »

Enfin, toi, tu trouves qu’il y a beaucoup de trucs horribles, chez toi. Mais bon, tu ne le diras pas. Une nouvelle gorgée, tiens, pour faire passer cette pensée.

« Hmm. Nid à emmerdes, à se taper des gens au boulot. »

T’es dans ton déni, Elain. Parce que putain, tu le cherches, ton patron. Même si c’est pas parce que c’est le patron qu’il t’attire. Mais tes collègues ? Non. En plus, vraiment, tu les connais, et tu te vois clairement pas devenir intime avec les trois quarts des gens ici.

« Beaux, sûrement. Mais putain, y en qui s’en tiennent une sacrée couche, t’as pas idée. J’arrive pas à piger ceux qui se pécho alors qu’ils se côtoient et qu’ils savent l’un l’autre qu’ils sont une bonne paire de cas soc’. »

Ouh, ça y est, il a sorti la bitch en lui.

« Entre les Gossip Girls, celleux qui se prennent pour des divas mais qui ont un niveau Wish, les nids à dramas et les nids à IST, vraiment, je pige pas. »

Toi ? Toi t’es au-dessus, bien évidemment. Toi tu préfères penser à un autre niveau. Jun. Ou… Arnold.

« Nan perso, je crush plutôt sur quelqu’un de l’extérieur. »

Attends, tu viens de dire ça ?

« Enfin ! J’veux dire, je préfèrerais crusher sur quelqu’un de l’extérieur. C’est pas le cas. Je crois pas ? Ah ! »

Un temps. Tu te tournes vers Mimosa. Penche la tête sur le côté. Inspire profondément.

« … je n’ai absolument rien dit. Ne pose aucune question. »

T'es baisé. Et pas dans le sens que tu préfères.

Comme bien trop souvent depuis quelques temps, tu n’as pas réfléchi avant de parler. Et tu t’en mords les doigts, actuellement, parce que ça n’est clairement pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Tu déglutis. Soupires. Prends une nouvelle gorgée. Comment te tirer de ce mauvais pas, maintenant ? En vérité, tu ne le peux pas. Car Mimosa, elle est tenace. Quand on lui donne un os à mâcher, il est hors de question de le lui reprendre après. Un léger claquement de langue. Jun. Arnold. Arnold. Jun. Et franchement, ce ne sont que deux noms dans tous ceux des créatures irrésistibles autour desquelles tu gravites. Cette ville te met à rude épreuve, parfois. Un rire, à cette pensée.

« Oui, oui, merde, j’avoue tout, tu as bien entendu ! »

Tu finis par capituler. Mais vraiment, tu ne sais pas trop comment tout reprendre.

« Il. N’est pas là ce soir. Et très franchement, je pense qu’il ne sera jamais là. Ici. Au cabaret, je veux dire. Pas à l’aise avec la foule et le bruit. Et hors de question de lui imposer ça. »

Un temps. Une pause. Tu songes. Tes lèvres s’ourlent d’un sourire plein de tendresse. Maintenant que tu y penses, tu as des papillons dans l’estomac. Mais…

« Je sais pas vraiment ce que ça veut dire. Enfin. Genre… j’aime sa présence. J’aime lui parler. Mais c’est peut-être juste… tu sais. Un crush amical ? J’en sais rien. Mais je m’en sens en sécurité, avec lui. Je me sens moi, aussi. C’est bizarre… »

Tu reviens prendre une gorgée, doucement.

« Même si j’ai l’impression de passer pour un mec bizarre, à ses yeux. »

Bref. T’as pas répondu à ses questions. Un rire.

« T’auras pas autant de détails, faut pas déconner. Je tiens à préserver son anonymat pour le moment. Peut-être que tu en sauras plus un jour. Ça aurait dû être un… tu sais. One time. Sauf que… je sais pas. J’ai eu genre. Besoin d’aide pour mon déménagement. Et … même avant, fin. Je… bref, merde, on a pas eu de date à proprement parler. Mais je veux le revoir, ça c’est sûr. »

Tu hausses les épaules. Viens te gratter la nuque. Peut-être même que tu rougis un peu, tiens. Toutefois, ton regard revient arpenter la salle. S’assurer de qui peut t’entendre. Vous entendre. Tu espères que Jun n’est pas là. Eh.

« Il est un peu plus petit que moi, mais clairement bien plus musclé. C’est une bête, d’ailleurs. Vraiment, cette musculature, je… j’en palis de jalousie. »

Et en même temps, y a aucune raison, puisque tu te laisses aller à t’auto détruire toi-même, depuis ton accident… tu ne peux que t’en prendre à toi-même.

« J’ai pas son insta. »

Tu diras rien pour son TikTok. Et d’ailleurs, tu n’ajouteras rien de plus. Pour le moment.

Tu rougis. Grandement. Sans le vouloir. Lèves les yeux au ciel. Viens boire une nouvelle gorgée pour te calmer un coup. Par contre, tu manques de t’étouffer quand elle fait mention de Jun. Au lieu de quoi, tu craches ta boisson et repeins le comptoir.

« Merde ! »

Ca t’es remonté dans le nez. Quel enfer. Ca pique. Ca brûle. Aie ! Respire, Elain, respire ! Bordel.

« Quoi ??? Mais que vient faire Jun dans l’histoire ! Jean, je veux bien, c’est un personnage fictif, mais Jun ? »

Un regard de ton collègue au bar te fait dire que t’as parlé trop fort. Aie. Merde. Tu te mords la lèvre inférieure.

« Mimo ! Arrête, les gens sont pas au courant ici ! »

Tu lâches, plus bas, gêné. Et puis, d’abord. Au courant de quoi ? Que vous avez couché ensemble ? Tu soupires.

« Nan… y aura pas de date. Je crois pas qu’il m’envisage comme ça. »

Ceci dit, tu lui as pas posé la question. Et tu comptes pas le faire.

« De toute façon… je sais pas si j’ai envie d’avoir quelqu’un. Comme ça, je veux dire. J’ai bien trop à gérer actuellement, je suis pas sûr de pouvoir me dédier de manière exclusive à une personne significative. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire ? »

Ou t’es juste totalement paumé et tu sais pas ce que tu veux de la part de qui.

« Mais… je te confirme que oui. Il est très différent de Jun. Bien qu’y ait vraiment rien entre lui et moi, hein. Faut que t’arrête avec cette histoire. »

Mouais.

Un point pour Mimo.
Elle a raison, tu le sais. Mais tu aimes parfois faire preuve de mauvaise foi. Parfois. Parf-… bon. Oui, tu as parlé trop fort. Sous le coup de la surprise. Du choc. Tu ne t’y attendais pas, tu as fais une bavure, ok. Ton mauvais. Tu déglutis, péniblement.

« Et il ne se passe rien… »

Tu marmonnes, bougonnes. Rien qui soit notable. Ou rien que tu aies envie de partager. T’es un peu trop paumé et t’as trop le sentiment de… de quoi, au juste ? D’être un jouet. D’être un passe temps. D’être qu’un blond parmi tant d’autres. Tu ne sais rien de lui. Peut-être est-il marié ? Un soupire t’échappe. Quand tu le vois, c’est du sexe et rien d’autre. C’est à peine si vous vous demandez comment se passe la journée. Et ça te va, hein ! Si ça lui va. Si tout est clair. Mais justement, y a rien de clair encore puisque vous n’avez rien mis au clair.

Nouveau soupire.

On en revient à Arnold, alors que tout nouveau verre est rempli et le comptoir épongé.

« Eeeeh… désolé d’over react, c’est juste que je boucle sur ça depuis… ben. Quelques jours. Ca me pompe le cerveau cette histoire quel enfer. »

Tu grommelles. Avant de lever les yeux au ciel.

« Pour Jean, j’en sais rien. Voilà. Jean est au point mort pour l’instant. Je… j’en sais rien. »

Et t’es sincère sur le sujet, actuellement. Du reste… eh bien. Tu rougis. Sans le vouloir. Avant d’inspirer. Hausser les épaules.

« Je pense pas qu’on puisse l’appeler plan cul ou sex friend, parce que… eh bien. Euh… c’est genre. Euh. Arrivé une fois ? J’ai pas l’impression qu’il m’envisage autrement qu’en pote ? Ami ? Connaissance ? Je sais pas. Mais bon. Je crois lui avoir fait comprendre que je voulais le revoir. J’ai pas des masses plus de détails pour l’instant, hein. Juste… wait and see je suppose. »

Tu viens de vider ton sac, en fait.

« Même moi, la vérité, je sais pas ce que je ressens. Pour lui, pour d’autre, pour un autre, pour moi-même. Je suis un peu dans un moment où… ouais. Je sais pas trop ce que je pense de tout ça. »

Tu ricanes, te sens un peu loser sur les bords. Nouveau soupire.

« Je crois que c’est l’arc déprime de Alain, Mimo. Alain est perdu. Alain ne sait pas quoi faire, quoi choisir. L’amour ? Le sexe ? Le travail ? Son passé tragique ? Alain a besoin d’une retraite spirituelle – ou de voir sa psy – pour revenir plus fort et plus séduisant, je crois. »

Tu vides ton verre d’une traite. En claque le cul sur le comptoir.

« Ou alors, Alain a besoin d’aller en boite. Mais pas seul. Et peut-être pas ce soir. Baaah. Raconte moi des histoires d’autres de tes persos, s’il te plaîîîît… histoire que je me sens moins minable avec les miennes. »

Elain et ses humeurs changeantes. Elain et son cerveau qui part dans tous les sens. Elain qui fait les montagnes russes. Peut-être Elain un peu touchant, dans son humanité. Lui et sa vie qui demain sera déjà terminée et qui n’en a pas conscience.

« Ou alors pose d’autres questions… peut-être que tu m’aiderais à y voir plus clair. Je sais pas. Non, attends, tu sais quoi ? Viens, on reste pas assis au bar comme des gens de la plèbe, je vais demander une alcôve. »

Tu te lèves, vas chercher un collègue. T’as pas envie de parler alors que y a encore de la musique qui bat son plein, des gens qui dansent sur scène et des oreilles indiscrètes qui trainent malgré tout. Besoin de calme et d’alcool. Beaucoup d’alcool.

T'es quand même un employé génial qui claque sa paie chez son propre patron, hein...

Et toi, tu ne peux t’empêcher de pouffer de rire et manquer, une fois de plus, de cracher ta gorgée. Vraiment. Elle a raison. Tu t’en rends relativement compte. Mais en même temps, c’est pas facile comme position !

« C’est ça, moque toi, vas ! »

Tu marmonnes, faussement, avant de ricaner également. Tu inspires. Mais attrape ton verre et… réclames une bouteille à ton collègue du bar, lui demandant de mettre ça sur ta note. Tu reviendras payer plus tard. Le tout sous le bras et dans la main du même bras, tu attrapes la gente dame délicatement pour l’entrainer jusqu’à l’alcôve afin de jouir d’un peu de tranquillité. Là, tu poses verre et bouteille, avant de te laisser tomber sur la banquette.

Tu l’écoutes, attentivement, dans ses propos. C’est vrai qu’aller en boite, ça ne fera que mettre un pansement sur une plaie infectée. Tu hausses les épaules. Avant de plisser les yeux à ses propos.

« … Charlie Perkins, hein. »

Tu réponds, avant de venir te gratter la joue, l’air un peu penaud.

« … ouais. Ouais ouais, je connais, ouais… »

Tu toussotes. Essaie de t’éclaircir la gorge.

« Ahem. On… est sortis ensembles. Une semaine. »

Tu détournes le regard, récupère ta boisson, prends une gorgée. C’est ton ex, quoi. Enfin, est-ce que vraiment on peut appeler ça un ex ? Dès le premier jour, tu savais que ça n’allait pas fonctionner… Un soupire t’échappe.

« Tu le connais, je suppose ? Ami ou ennemi ? Je dois craindre tes foudres ? »

Ta voix se teinte de culpabilité – culpabilité qui t’accompagne toujours quand viens le sujet de Charlie Perkins sur la table de ton esprit. Tu n’as jamais osé le recontacter, depuis. Parce que… t’es convaincu d’être l’enfoiré de l’histoire. Alors qu’en vrai, les tords sont partagés. Mais bon, toi, tu aimes un peu trop t’auto-flageller.  

« Je suppose que tu pourras rajouter ça à Alain, si tu vois une quelconque utilité à cette information… »

Faut croire que la ville est petite. Tu ne t’attendais pas à ce que son nom soit cité par Mimosa. Ni que le sujet déboule sur le tapis. Et tu sais que Mimo a raison. C’est peu. Et encore. Tu inspires.

« Nan, nan, une semaine de relation depuis la consacration par la sainte étiquette sacrée du sacre nommage. »

Bon, peut-être que l’alcool tape un peu. Et que tu dis des bêtises pour te remonter le moral à toi-même. Mais c’est un ami. La phrase tourne en tête. Tu soupires, viens te gratter la joue. La nuque. Te passer une main dans les cheveux.

« Je crois que… je le savais day one que ça allait pas marcher, comme relation. Mais je crois aussi que je voulais y croire parce que… Je suis pas totalement certain – enfin, si, en vrai, j’en suis quasiment certain. Je crois que j’avais vraiment envie d’avoir un repère dans cette nouvelle ville, nouvelle vie. Quelqu’un qui me rassure et vers qui revenir. Et… peut-être envie de me sentir aimé, peu importe par qui. »

Tu détournes le regard, un peu honteux.

« J’ai… vraiment l’impression d’être le fils de pute – pardon maman, je t’aime – de l’histoire, en fait. J’ai rien à lui reprocher, en soi, à Charlie. C’est juste que ça n’aurait jamais fonctionné entre nous, pas de cette manière, que je le savais mais que j’ai quand même voulu forcer avant de tout casser et plus donner de nouvelles. »

Ceci dit, lui non plus, n’en a plus donné, de nouvelles.

« Tu me détestes pas, hein, dis ? »

Tu fais la moue. Tourne le visage vers Mimo. Vers… ton amie. Enfin, est-ce que tu as le droit de la considérer comme telle ? Est-ce qu’elle l’accepterait ? Ah, ça y est, tu recommences à overthink.

Tu ramènes tes jambes contre ta poitrine, les pieds sur la banquette – désolé les agents d’entretien. Ceci dit, tes chaussures de travail sont sûrement les trucs le moins sale qu’aient pu connaître ces banquettes. Peut-être. Elles sont lavées, hein. Régulièrement, quand même. Mais c’est pas rare qu’on y renverse des verres.  

« J'ai l'impression de passer mon temps à me plaindre et me lamenter... ça doit te peser sur le système, un peu. »