22 octobre 1899

Alors que Castro entre finalement à Caracas, dans le giron du Venezuela naît Tito. C’est un mulâtre, à mi-chemin entre le colon et le colonisé — héritier de l’empire familial mais souillé de plus d’une tare, comme son père le constatera plus tard, l’enfant pleure.


1909

La première dizaine se passe entre les bras tremblants d’une mère. Elle le couve d’un amour farouche, mais l’emprise paternelle prend bien vite le pas sur sa tendresse : l’héritier se doit d’apprendre les rouages du métier, et l’industrie n’attend guère. Le Nicaragua se soulève, Tito plie l’échine.


1914

La première guerre mondiale ne le concerne guère — Tito se penche sur des courbes plus tendres, moins punitives. Ses tranchées se résument à la moiteur d’un corps, à quelques baisers volés et à l’éclat, furieux, d’un vieil homme surprenant son fils dans les bras d’un autre. L’incident est tu, mais les regards se durcissent.


1917

Les prémices de l’exploitation pétrolière n’ont d’intérêt que dans les actions du père ; l’entreprise est minière, nichée dans les montagnes. Mais le patriarche Sáez a des ambitions plus grandes : l’exportation. A l’aube de la majorité, Tito quitte ses terres natales pour affronter la fraîcheur des Etats-Unis. Maman reste à la maison.


1920

Le patriarche s’éteint, d’une malheureuse crise cardiaque. Les médecins accusent le stress, mais la lettre de Maman porte des murmures maudits, des histoires de karma. Le petit prince est couronné, à la tête d’un empire qui l’ennuie. On lui lègue l’expansion sur le plan pétrolier.


29 février 1924

Javier a l’air terriblement jeune et vieux à la fois. Un coup d'œil, et Tito se sait découvert — des intérêts communs, l’ombre d’un arbre, le parfum nostalgique des bananes plantains, les lettres apicales. Tout arrive si vite : un jour, il rencontre un homme qui ne le comprend que trop bien. Un autre, des crocs se plongent dans sa gorge, et Tito renaît.


1925

Les affaires d’Arkham sont caduques. Le royaume Marshall trop bien ancré, Tito détrôné dans l’hémisphère Nord ; Maman quémande son retour, mais lui demeure. Prétexte s’être attaché à la ville. Il visite le Venezuela, régulièrement — son père, le vrai, Javier, lui manque trop rapidement. Mentir ne lui sied pas non plus.


1939

Maman est morte.


1950-2000

L’entreprise prospère, et Tito aussi. La vie de Patricius est tendre, celle de fils du prince d’autant plus ; il ronronne dans ses quartiers comme un petit monarque capricieux, et n’obtient ce qu’il désire que lorsque c’est jugé raisonnable. Au terme du siècle, il lui est assigné un garde, faute de lui proscrire les sorties : Stolas, trop grand pour sa nuque. Il l’accepte, docile.


2016

Le massacre des Byrd est un rappel hérissé de sa nature ; il n’y voit pas le mal, mais toute la débauche. Par politesse plus qu’envie, Tito s’y joint — il mettra deux nuits complètes à se décider à rincer le sang séché sur sa gorge.


2024

Son premier siècle arrive.