1m70, short king selon google ✱ bottes à talons sur scène pour compenser ✱ bottes compensées dans la rue pour mieux écraser ✱ chevelure généreuse, noire et blanche, teinte ✱ un maquillage sombre et dramatique sur scène ✱ une tête d'ange dans la vie de tous les jours ✱ une peau de bébé, pour toujours 20 ans ✱ les efforts pour effacer les joues juvéniles (merci le contour) ✱ réellement complexé par sa jeunesse apparente alors qu'il a réellement plus de trente ans – est-ce que ça va lui passer quand il va avoir, il sait pas, 90 ans ? ✱ beauté sobre dans l'ombre – le bonheur est dans la qualité des tissus et des accessoires ✱ beauté décadente sur scène ✱ chaînes, cuir, argent (faux : en acier inoxydable, ses bijoux) ✱ effet Tony Hawk : il suffit qu'il s'habille en civil et sorte sans maquillage pour qu'on ne le reconnaisse pas tout à fait ✱ aime pourtant se faire reconnaître ✱ moins depuis le hiatus du groupe ✱ collectionne les vernis à ongle, ne porte que le noir ✱ resting bitch face ✱ appartement rempli de coussins, de tapis, et d'énormes rideaux qui coupent la lumière ✱ devoir vivre dans la noirceur sans être glamour serait un crime ✱ raffole des chandelles parfumées ✱ se considère proche de tout le monde ✱ n'est réellement proche de personne ✱ ne supporte pas la solitude ✱ compose la plupart de ses chansons ✱ il ne faut pas le déranger quand il est en plein processus créatif ✱ il émerge au bout de trois jours de sa chambre déchevelé, confus et épuisé ✱ joue la carte I'm just a babyTM très rapidement pour obtenir ce qu'iel veut ✱ mais si on ose l'infantiliser, il a du mordant (ah!) ✱ iel mène les gens par le bout du nez, pas l'inverse (iel croit) ✱ fidèle à son clan et reconnaissant, même s'il ne le montre pas toujours ✱ profondément romantique, autant au sens commun qu'artistique

✱ 1989
Naissance à Arkham dans une famille de classe moyenne. La stabilité même. L'avenir fragile étendu sous ses yeux tout juste ouverts. On souffle à son oreille les plus beaux souhaits, les rêves de l'Amérique. On lui promet la lune puis le soleil.

✱ 1997
Une ombre plane soudainement sur l'arbre de sa famille. Cancer. Un oncle. Un mort. Iel a huit ans. Il est trop jeune pour comprendre, mais assez grand pour saisir la gravité de la sentence. Tous mourront. Ce n'est qu'une question de temps. Qui sera le·a prochain·e ? Sa mère ? Son adelphe ? Et si ce n'est personne, est-ce que ce sera lui ?
Iel a huit ans, iel est trop jeune, mais iel craint que la vie file entre ses doigts trop minces pour la retenir.
Impuissance.  
Les deuils s'enchainent et comme un collier de perle sa rage ne demande qu'à éclater.


✱ 2007
Arrêt des études. Y'en a marre. Dur de viser l'excellence quand rien ne fait sens dans cette putain d'existence. Son adelphe fait déjà la fierté de ses parents, on peut pas lui lâcher les basques ? Mouton noir. Bon pour Andrea si elle croit pouvoir sauver le monde. Lui, il ne voit que l'apocalypse à venir. Iel n'est pas un héros.
(en sourdine un espoir dans les notes réverbérées de sa guitare, sa voix qui les accompagne, tantôt douce, tantôt perçante ; la musique est son échappatoire ; iel a du talent, peut-être, peut-être, qu'il y a un avenir dans cette rage qui bout en elllui)


✱ 2009
On l'a reconnu·e pour son talent. Un agent l'a repéré et lui a offert l'avenir sur un plateau d'argent : un enregistrement, des musiciens, des performances. Pour une fois les astres s'alignent en sa faveur. Il n'a plus aussi peur.
Iel attend Andrea à la sortie de la salle, impatient de tout lui raconter ; le succès promis, enfin, à ellui aussi.
Il ne le verra jamais.
On a volé son avenir sous le soleil pour le jeter sous la lune.  
Lawrence Maestriani est mort.
Il se fait oublier.
(a-t-on au moins cherché à me retrouver ?)
Iel appartient dès lors aux monstres et à la nuit.


✱ 2011
Le choc initial de sa nouvelle condition laisse place à l'émerveillement. Iel a échappé à ses pires cauchemars, à la fragilité de la condition humaine. Le deuil de sa vie se fait en douceur. Il trouve une nouvelle famille et un sens à son existence dans la gloire de la Main Aimante. Iel existe sous un nouveau nom.
Loren Moretti entre dans le monde.
La musique était une évidence – la seule. Au sein des Vanitas, il s'accomplit dans le perfectionnement de son art. Un projet germe, un groupe, Crescent, iel est à sa tête. L'avenir lui sourit, il ne pourrait souhaiter mieux.
(un secret, pourtant, le gruge ; iel espère partager ce bonheur avec les Maestriani, les sauver, comme on l'a sauvé·e, de la malédiction de leur sang)
(est-ce qu'ils pensent à moi comme je pense à eux ?)


✱ 2014
La nouvelle lui parvient par hasard. Un tel accident, ça attire l'attention des médias. Ses parents sont décédés. Les fantômes ne peuvent pas pleurer les morts pourtant les larmes ne cessent de couler sur ses joues. Les fantômes ne peuvent pas se rendre sur la tombe de ceux qui meurent après eux. Le fossé entre lui et son adelphe lui semble alors insurmontable – faute du silence, faute d'avoir pu la prendre entre ses bras alors qu'il aurait dû, qu'il aurait pu.
Culpabilité lancinante.
H o n t e.
Les larmes sèchent quand il reprend son calepin. Ses doigts retrouvent les cordes de sa guitare et il se remet à chanter. La douleur se transforme en art, il y consacre corps et âme pour mieux s'y oublier.


✱ 2016
Le succès est monstre. Sous la chaleur des projecteurs, Loren se sent plus vivant que jamais. Entre tournées et albums, plus rien ne semble pouvoir l'arrêter. On le·a reconnait, on l'aime, et on chante ses chansons en cœur dans la foule.
Il y a les contraintes, bien sûr, les concerts la nuit seulement, les entrevues et les opportunités manquées à divers talkshow. Mais la foule est au rendez-vous, enchantée par l'entêtement derrière cette gestion mystérieuse.
Il y a bien ces histoires de fans disparus après un concert, mais ce n'est rien qu'un malheureux hasard, nos pensées vont à la famille de Jane Doe / John Smith.


✱ 2023
Sauf qu'au bout d'un temps jouer aux rock stars, c'est épuisant – surtout quand on essaie de fuir quelque chose au plus profond de soi. Il suffit d'un incident filmé et diffusé sur les réseaux sociaux pour que tout prenne un frein. On reproche à Loren son mauvais caractère, ses sautes d'humeur et son égo démesuré.
Chute.
À la fin de l'année, Crescent conclut sa tournée. Le groupe annonce sur instagram un hiatus. Loren publie une story où il explique avoir besoin de prendre du temps pour réfléchir à ses agissements et aller chercher de l'aide. Son compte passe en privé.


✱ 2024
Il ralentit pour la première depuis des mois, non, des années. Iel se jette dans toutes les distractions possibles pour remplir ce trou dans sa poitrine, cette noirceur inhérente à son être ou à sa condition, iel ne sait pas, ne veut pas le savoir.
C'est beaucoup plus beau, rester aveugle à soi-même.